Milow : « C’est une force d’être un artiste belge »

"En Belgique, on est assez critique envers les artistes, mais c'est bien parce que ça nous pousse à être perfectionniste." | © DR
Le chanteur flamand revient avec un septième album Nice To Meet You. Un opus solaire mais aussi plus personnel.
Septembre 2008. Milow, de son vrai nom Jonathan Vandenbroeck, sort une reprise de « Ayo Technology ». Le titre fait le tour du monde ; sa carrière est lancée. Suivent ensuite « You Don’t Know » ou « We Must Be Crazy » qui confirment le succès de cet artiste originaire de la Province d’Anvers. Des titres acoustiques qui lui collent à la peau, jusqu’à « Howling At The Moon » qui fait le tour de toutes les radios durant l’été 2016. On le découvre solaire, mais son public connaissait déjà son dynamisme lors de ses concerts. Une bonne humeur et une énergie communicative.
Après deux ans de confinement, Milow revient avec un nouvel album positif et qui sent bon l’été. Nice To Meet You n’est pas un titre choisi au hasard : c’est également le titre d’une chanson écrit pour sa fille et son fils. S’il a toujours été extrêmement discret sur sa vie personnelle, Milow souhaite dorénavant parler également de son rôle de père dans ses chansons. Rencontre avec cet artiste qui vit toujours à 100 à l’heure, quelque part entre la Belgique, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche.

Le grand public vous a découvert avec votre reprise de « Ayo Technology ». Vous vous attendiez à un tel succès pour une reprise ?
C’était incroyable. Au-delà du succès de cette chanson, j’avais 27 ans et j’avais déjà deux albums avec mes propres chansons. J’avais beaucoup d’expérience avec mes concerts live, donc j’étais un peu préparé à ce qui allait se passer. Et c’est une force d’être un artiste belge, parce qu’en Belgique, on peut prendre vraiment le temps de se préparer pour le succès international.
Vous trouvez justement que c’est une chance d’être un artiste belge pour avoir un succès international, ou ça aurait été plus simple si vous aviez été Américain par exemple ?
Quand je compare avec d’autres artistes qui commencent dans des plus grands pays, comme la France, l’Allemagne ou l’Angleterre, c’est souvent plus difficile de se développer, de trouver un style unique. En Belgique, on a une scène musicale plus riche, et je pense que ça aide, que ce soit moi, Selah Sue, Stromae, Angèle, Roméo Elvis… Mais la musique est tellement individuelle, c’est trop difficile de généraliser.
Quand j’avais 16 ans, je pensais que c’était mauvais d’être Belge, que c’était trop difficile pour réussir ; mais après j’ai aussi réalisé que ça m’a aidé à me préparer. En Belgique, on est assez critique envers les artistes, mais c’est bien parce que ça nous pousse à être perfectionniste.
On me demande souvent pourquoi je ne fais pas plus de concerts en Belgique, mais je dois aussi tourner ailleurs. C’est un privilège aujourd’hui, que sur chaque album que je fais, il y ait plusieurs pays qui s’y intéressent. C’est incroyable d’avoir cet accueil.
J’aime bien faire des choses dont je n’ai pas l’habitude.
Vous êtes assez serein d’ailleurs par rapport à votre carrière à l’international. Vous dites : « Un pays ne va pas affecter ma carrière », en parlant des États-Unis je suppose. C’est plutôt sain comme manière de voir sa carrière.
Quand j’avais 20-25 ans, j’ai tout sacrifié pour la musique et mes chansons. Mais quand j’ai eu du succès pour la première fois en Belgique avec « You don’t know » en 2007, et un an plus tard avec « Ayo Technology », j’ai essayé de voyager loin avec cette chanson, et pas seulement de rester en Belgique comme la plupart de mes collègues. Et puis après une tournée en Europe, au Canada, aux États-Unis, j’ai aussi découvert que plus tu es loin de ton pays, plus c’est difficile de construire une vraie « fan base ». Donc aujourd’hui, je suis dans une période de ma vie où au lieu de me dire « c’est dommage que l’Angleterre ne connaisse pas ma musique », je me concentre sur les six, sept ou huit pays en Europe qui, non seulement connaissent ma musique, mais en plus connaissent plusieurs chansons et viennent à mes concerts. C’est aussi parce que j’ai 40 ans maintenant, donc je suis plus tranquille dans ma tête comparé à il y a 15 ans.
À vos débuts, où vous a connu avec des chansons acoustiques et plutôt mélancoliques. Est-ce que ça a été difficile de se détacher de cette image ?
Un peu… Quand j’ai décidé de sortir ma version de « Ayo Technology », c’était aussi pour montrer que je ne me prenais pas vraiment au sérieux parce que c’est une chanson qui parle de pornographie, et ce n’est pas du tout les paroles normales d’un chanteur compositeur folk. Donc c’était une manière de montrer un autre côté de moi.
Depuis, les gens qui sont venus à mes concerts savent qu’il y a beaucoup plus d’énergie sur mes concerts live que sur mes albums. C’est aussi pour ça qu’il y a deux ans, j’ai commencé cet album Nice to Meet You. J’ai vraiment essayé de trouver cette énergie que l’on a en concert pour le mettre dans cet album. J’ai invité beaucoup de musiciens en studio pour enregistrer un album qui donnerait envie d’aller à l’un de mes concerts. Huit ou neuf des douze chansons sur l’album ont beaucoup d’énergie et sont uptempo (un genre musical où la vitesse fluctue entre 185 et 220 BPM, ndlr). C’est mon septième album studio, mais c’est la première fois que je fais des chansons uptempo. C’est inspiré par le confinement, j’avais l’impression que c’était important d’essayer ça. Et j’aime bien faire des choses dont je n’ai pas l’habitude.
Vous avez des chansons très solaires dans ce nouvel album alors que vous l’avez écrit durant le confinement. C’est une manière de tirer quelque chose de positif de cette période difficile ?
En 2020, j’ai joué « Whatever It Takes » à l’un de mes concerts. Et finalement, j’ai décidé de sortir le morceau immédiatement, de ne pas attendre jusqu’à l’album. J’ai reçu tellement de réactions positives que ça m’a poussé à continuer dans ce style. Mais quelques mois plus tard, mon batteur et ami Oscar est tombé malade et est décédé d’un cancer du pancréas. Je me suis demandé si je devais changer la direction de l’album parce que c’était une période difficile et triste pour moi et mon équipe. Et puis j’ai décidé d’écrire la chanson « Oscar » (une ballade en guitare-voix, ndlr) qui clôture l’album.
Je voulais montrer que cette période n’était pas seulement positive ou négative, mais plus balancée. Je ne connais personne qui dit « ah les deux dernières années étaient les meilleures ». Pour moi aussi c’était nuancé, car il y a eu quand même des choses positives. J’avais plus de temps pour ma famille (ma fille de 7 ans et mon fils de 4 ans), car normalement je suis toujours sur les routes. C’est quelque chose que j’avais toujours un peu caché, que j’avais gardé pour moi. Mais Oscar a laissé deux jeunes filles, et j’ai beaucoup réfléchi à mon rôle de père. Ça m’a aidé à trouver un meilleur équilibre entre ma musique et ma vie privée. Mais pour chaque chose positive, il y a quelque chose de négatif : comme tous les concerts annulés, le manque de perspectives dans le secteur de la musique, ce qui s’est passé avec Oscar… Je suis content car l’album Nice To Meet You est plein d’espoir, positif, mais il est aussi nuancé.
Est-ce que ça a été difficile de trouver l’inspiration durant cette période de confinement ?
Beaucoup de collègues ont eu un blocage, mais pour moi, c’était très clair dans ma tête. Le confinement m’a enlevé certaines possibilités : j’ai enregistré mes trois précédents albums en Californie, mais vu qu’on ne pouvait pas voyager, j’ai enregistré à Bruxelles au studio ICP comme à mes débuts. Et ça m’a aidé à me concentrer sur mes chansons. Pour écrire, ce n’était pas trop un problème car j’avais des idées, mais pour enregistrer c’était un peu plus compliqué car c’était toujours entre des confinements. On a dû dormir au studio ICP pendant une semaine, on ne fait jamais ça normalement ! Mais ça a contribué à l’atmosphère unique, et ça faisait tellement plaisir d’être de nouveau entre nous, d’avoir des contacts avec des adultes (rires), et jouer de la musique ensemble. Et je pense qu’on peut l’entendre sur l’album.
Pour le clip de « DeLorean », vous vous êtes fait plaisir ! On vous voit conduire cette voiture mythique. Vous avez écrit la chanson en pensant justement au clip ?
(Rires) C’est une bonne question ! Quand j’ai fait le clip, je me suis dit « je devrais faire ça plus souvent : écrire sur un sujet qui est dans ma whishlist et le vivre ensuite dans le clip » (rires).
Plus sérieusement, je suis né en 1981 et j’allais avoir 40 ans. Donc j’ai cherché sur Google « 1981 », et j’ai découvert que la DeLorean, cette voiture culte et légendaire, était construite pour la première fois cette même année. Je me suis dit « c’est parfait ! » : c’est comme une machine à voyager dans le temps, comme dans le film Retour vers le futur. Pendant le confinement, je rêvais de pouvoir voyager dans le passé, ou dans le futur… où c’était possible de jouer des concerts.
Donc j’ai sorti la chanson, et pour la vidéo, on a découvert qu’il y avait un DeLorean club, donc on les a contacté et ils ont dit oui immédiatement. C’est comme ça que j’ai conduit pour la première fois de ma vie dans une DeLorean. Et je me souviens du premier jour de tournage, j’ai regardé la date de fabrication, et c’était juillet 1981… (ndlr, Milow est né le 14 juillet 1981).
• L’album Nice To Meet You en deux-deux … •
Quelle est la chanson la plus personnelle ?
« Nice To Meet You ». C’est la première chanson que j’ai écrite pour mes enfants.
Quelle est la chanson la plus rythmée ?
« Whatever It Takes »
Quelle est la chanson que vous adorez jouer en concert ?
« DeLorean »
Quelle est la chanson pour se réveiller le matin ?
« How Love Works »
Quelle est la chanson que vous avez préféré écrire ?
« Donkey Kong »
Quelle est la chanson que vous préférez dans votre album ?
« Oscar »