Salvatore Adamo, jusqu’au bout de l’émotion

Adamo dans le document « Quand je chante » de la RTBF, revoyant les images de sa jeunesse et de sa famille tant aimée. | © Ronald Dersin
Pour lancer la « semaine italienne », la RTBF lui consacre un docu-événement. En avant-première, il se livre comme jamais pour Paris Match Belgique.
Interview Christian Marchand
Paris Match. Si vous vous retournez sur votre vie d’homme, d’enfant, que voyez-vous, que retenez-vous ?
Salvatore Adamo. Ce que je retiens de ma vie, ce sont les moments vécus avec mes parents. Ils sont toujours présents. Je regarde leurs photos tous les matins et tous les soirs. C’est une espèce d’habitude que j’ai prise. Je pense à ces moments de bonheur que j’ai vécus, inconscient de la difficulté dans laquelle mes parents se trouvaient. Déracinés, venant d’un pays du soleil, arrivant en plein hiver dans les brumes du nord.
Vous n’aviez jamais ressenti leur souffrance ?
Non, jamais. Grâce à leur affection et leur amour, je ne me suis jamais rendu compte de la difficulté dans laquelle nous vivions, et la chaleur de leur affection est restée au fond de moi. Après, au rayon souvenirs, il y a bien sûr la progression dans ma carrière. Cette production de la RTBF, qui m’a vraiment touché, l’évoque avec beaucoup d’émotion, de sensibilité, d’élégance. Hadja Lahbib et Jean-Marc Panis avec Ronald Leclercq, le producteur, ont choisi les documents.
Parmi ces milliers d’images, quelles sont celles que vous gardez dans votre cœur ?
Très honnêtement, c’est un exercice difficile de revoir des visages animés. En pleine vie. Il faut garder sa contenance, prendre son souffle pour ne pas craquer. D’ailleurs, cela a été plusieurs fois le cas lors de la projection. Parfois même, il faut interrompre la caméra pour se cacher un peu… Revoir mes frères et sœurs, petits, en plein bonheur, encore en pleine euphorie, mes parents, des amis, cela me fait très plaisir, mais il faut surtout respirer un bon coup… Après, il y a les surprises. De beaux cadeaux que des artistes m’ont faits en interprétant mes chansons. Hadja -Lahbib a eu l’idée de faire chanter « C’est ma vie », celle qui résume toute mon existence, et d’autres moins connues, par divers artistes, hommes et femmes. Ils m’ont -profondément ému : Melanie de Biasio, Daan, Jean-Paul Estiévenart, Juicy, Laetitia Mampaka, David Murgia, Albin de la Simone, Laurence Vielle, Alain Chamfort. Ils m’ont tous touché et gâté, ainsi qu’Hadja Lahbib, une très belle personne, et toute l’équipe qui a été d’une grande gentillesse. Je ne sais pas si c’est parce que le Covid nous a obligé de rester dans l’intimité, mais on a senti une grande complicité. Nous avons tourné au Théâtre de Mons, là où tout a commencé pour moi. J’étais ravi du montage final. Vraiment.

Difficile de ne pas être touché par toutes ces retrouvailles du passé.
J’ai revu et entendu mon père et ma mère s’exprimer, mon frère et mes sœurs chanter. Je me suis recueilli avec la tristesse de l’absence, mais j’ai ressenti l’émotion agréable de revoir mes chers disparus vivants.
Ce documentaire est diffusé lors d’une semaine italienne consacrée au 75e anniversaire de ce qu’on a appelé « l’accord charbon ». Cet accord bilatéral d’échange de main-d’œuvre entre la Belgique et l’Italie disait notamment : « Pour tous les travailleurs italiens qui descendront dans les mines en Belgique, 200 kilos de charbon par jour et par homme seront livrés à l’Italie. Le gouvernement italien s’efforcera d’envoyer en Belgique 2 000 travailleurs par semaine. » Que provoquent ces mots lourds de sens en vous ?
Je suis au courant de ce contrat. Et ce n’était pas 200 kilos, mais une tonne de charbon par ouvrier. On en a reparlé en 1996. C’était le 50e anniversaire de la vague d’émigration. Cela a choqué énormément de monde. Je ne pense pas que mon père le savait. Ni ses collègues, d’ailleurs. Mais j’imagine que s’il l’avait su, il aurait quand même fait le travail. Ce labeur, qu’on le veuille ou non, a rendu leur dignité à tous ces ouvriers, celle de pouvoir nourrir leur famille. Ce qui n’était pas le cas en Sicile ou dans d’autres régions d’Italie. A tous ceux qui veulent en savoir plus sur cette vague d’immigration, je conseille le livre d’un Italo-Belge, Girolamo Santocono, qui avait aussi écrit « La Cantine des Italiens ». Ces Italiens qui, comme mes parents et moi-même, avaient été logés dans des baraquements ayant abrité des prisonniers russes et allemands durant la guerre.
Parlez-nous de votre père, qui a marqué votre vie.
Il a été mon héros pendant longtemps. Il me racontait des histoires. Et parfois, il m’en inventait (Salvatore a un petit sourire de bonheur aux lèvres). Par exemple, il m’avait raconté qu’il était aviateur durant son service militaire. A l’époque, je n’étais pas encore né. En réalité, il était aviateur basé à Trapani, à l’ouest de la Sicile, mais il n’a jamais volé. Ce n’est pas grave, il m’a fait rêver (comme plongé dans le passé, son regard est plein d’affection). Mon père avait un sens artistique inné. Il aimait bien chanter lors des fêtes de famille et avec des amis. Il y allait toujours de bon cœur, mais souvent dans l’humour. Il chantait des chansons qui faisaient se bidonner l’assistance. Comme j’étais bon élève à l’école, il avait fait des efforts pour me payer des études. J’étais premier de classe. Lorsque je lui ai annoncé que je voulais chanter, il n’a pas tout de suite adhéré.
La suite de la longue interview de Salvatore Adamo dans votre Paris Match Belgique de cette semaine. En vente dans toutes les bonnes librairie !
« SALVATORE ADAMO, QUAND JE CHANTE »,
vendredi 28 mai à 20 h 50 sur La Une
