Festival d’Avignon : Les Belges à la pointe au Théâtre des Doms

Alain Cofino Gomez, directeur du Théâtre des Doms (vitrine sud de la création en Belgique francophone), et Pascale Delcomminette, administratrice générale de Wallonie-Bruxelles International et de l’Awex, sur le pont Edouard Daladier qui enjambe le Rhône. En fond, le pont Saint-Bénézet, dit Pont d'Avignon. ©Ronald Dersin
Deux grandes soirées axées autour de la Belgique et de son impressionnante production étaient au cœur du lancement du Festival d’Avignon. A l’honneur, le Théâtre des Doms et l’équipe du Théâtre National Wallonie-Bruxelles dont une creation a été retenue au programme du « IN ». A épingler également, Le grand feu, hommage fracassant à Brel, avec le rappeur carolo Mochélan et le beatmaker Rémon Jr. Must absolu, à voir ou revoir jusqu’au 27 juillet à Avignon.
Quelques volées de marches en pierre derrière le Palais des Papes. Rue des Escaliers Sainte-Anne, une jolie bâtisse en retrait. Une cour, de la verdure, du beau monde qui s’évente dans une moiteur quasi tropicale. Le Théâtre des Doms, acquis par la Communauté française en 2001, sous la houlette de Hervé Hasquin et de Rudy Demotte, alors respectivement ministre-président et ministre de la Culture, est un écrin pour la production belge à Avignon, une véritable vitrine hexagonale et internationale pour les arts de la scène du Plat pays.
Le 5 juillet marquait le lancement officiel de la programmation des Doms dans le cadre du 73e Festival d’Avignon. Cela donne lieu, traditionnellement, à une reception dans la cour du Théâtre. On y capte, malgré l’absence de micro, assez cruelle dans le joyeux brouhaha qui entoure, pour les aficionados, le début d’un mois d’extase sur planches, un discours enlevé de Fabienne Reuter, déléguée générale de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie en France. Cette super ambassadrice de la francophonie belge à l’étranger se prepare par ailleurs à rejoindre Genève cet été.

Le public, issu du monde culturel et institutionnel, est en mode détente – bermudas, robes amples, cheveux sauvages. La chaleur et l’anticonformisme du Festival d’Avignon au sens large sont deux éléments qui donnent le tempo. « Avignon, c’est cool, on est à cent lieues de l’ambiance cannoise », martèle Emmanuelle Lambert, responsable du pôle Culture à Wallonie-Bruxelles International. Cool certes. Nerveux aussi car le programme est, comme toujours, archi-étoffé.
« Sans jeunesse, point d’espoir, sans espoir, point de jeunesse ». Alain Cofino Gomez, directeur du Théâtre des Doms, fief de Wallonie-Bruxelles à Avignon
Alain Cofino Gomez, directeur du Théâtre des Doms, véritable référence à Avignon et qui propose une programmation tout au long de l’année, vaque de groupe en groupe. Chaque année, une dizaine de spectacles belges sont triés sur le volet pour le Festival, sélectionnés par le directeur, avec l’expertise d’un comité consultatif composé de professionnels belges du théâtre et des médias.
En exergue à l’événement, le directeur lance ce texte passionné, engagé, à l’image des Doms et de ses critères de qualité. Une ode à la jeunesse qui flambe, frémit, réagit, réclame, interpelle, proteste. « Sans jeunesse, point d’espoir, sans espoir, point de jeunesse ». Un leitmotiv dans le programme de ce mois de juillet centré aussi sur cette notion, fondamentale, de singularité. « Tous singuliers […] Parce qu’ils sont les éternels oubliés, ceux que l’on écoute si peu ou que l’on n’entend pas – les invisibles inaudibles – nous avons voulu faire un festival dont ils seraient le centre. Ils ont investi les rues de nos villes pour nous dire la violence qui est la nôtre envers le monde qui sera le leur. Sommes-nous sourds à notre avenir lorsqu’il nous interpelle ? Ils ont voulu revendiquer le droit à la parole et on les a vus, agenouillés, les mains sur la tête, mis en respect par des adultes, gardiens de l’ordre. Sommes-nous conscients de notre brutalité à leur égard ? Les indicateurs sociaux et médicaux nous signalent leur détresse grandissante et l’avènement d’une jeunesse désespérée dont les pathologies, les révoltes et la conscience sont systématiquement niées et passées sous silence. Comment recevoir cette jeunesse dans nos théâtres ? Comment les entendre dans leurs diversités et leurs attentes, et ne pas les décevoir ? Comment leur rendre espoir en nous – les adultes – et en notre capacité à leur faire confiance ? »

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Alda Greoli a le verbe sonore. Son allocution est forte. Elle reconnaît qu’il reste des dossiers culturels en chantier, dont celui du statut d’artiste, une urgence parmi d’autres. Chez Rudy Demotte, une envolée sur le rôle et l’impact de la culture, calquée sur le réel, prend des accents lyriques, induit une lecture à mille degrés. Son discours, nourri de références littéraires et philosophiques, sidère l’auditoire. De l’improvisation pure, assure-t-on. Lui-même nous le confirme. Non, promet-il, il n’a jamais de notes. Il ne sait pas les lire en public et est incapable de se repéter. Créativité permanente donc chez cet inconditionnel des arts et lettres.

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Au bar des Doms, on sert du Zizi Coin Coin, spécialité wallonne (jus de citron et Cointreau bien sûr) qui apaise les gosiers asséchés et réjouit le monde. Et du half-en-half (mix de vin blanc et de champagne ou d’un autre vin à bulles), pour le côté bruxellois de la fiesta.

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Le Présent qui déborde a fait couler de l’encre déjà – critiques éblouissantes par les médias les plus pointus de l’Hexagone, entre autres. C’est en l’honneur de l’équipe qu’a lieu, plus tard dans la soirée du 6, sur le coup de 23 heures, une réception orchestrée par Olivier Py et Paul Rondin, respectivement directeur et directeur délégué du Festival d’Avignon. Rudy Demotte et Pascale Delcomminette sont associés au happening. Une soirée sans fond sonore, aux accents bucoliques, qui se prolongera jusqu’aux petites heures dans le jardin du site universitaire Louis Pasteur, orné de guirlandes de lampions et de transats rayés. Quelques longues tables y sont dressées, dont, en première ligne, celle du Théâtre National où la troupe se sustente dans une forme de sérénité cool, à l’image d’Avignon donc.

A voir ou revoir au Théâtre des Doms à Avignon jusqu’au 27 juillet. www.lesdoms.eu
