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Yannick Noah : « Mes cinq années d’absence ? J’ai fait un truc terrible : profiter de la vie »

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« Pourquoi les Belges sont-ils moins déprimés que nous ? Plus joyeux, plus artistiques, plus libres ? » | © LA DEPECHE DU MIDI / XAVIER DE FENOYL.

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Pour son retour après cinq ans de silence, il revient avec un album optimiste et entraînant,  Bonheur Indigo. Il sera sur scène en Belgique le vendredi 13 novembre 2020 au Forum de Liège et le samedi 14 au Cirque royal de Bruxelles.

 

Par Christian Marchand

Paris Match. Vous avez mis la musique entre parenthèses pendant cinq ans. Qu’avez-vous fait pendant tout ce temps ?
Yannick Noah. Un truc terrible : j’ai profité de la vie. Le temps passe de plus en plus vite. Les enfants grandissent, les petits-enfants arrivent. Certains copains sont partis. Voilà, j’ai pris le temps de savourer des moments de qualité, loin de tout et en famille.

Vous avez pris le large en bateau. Un rêve de toujours ?
J’ai toujours aimé les récits de ceux qui partent en mer et les marins m’ont toujours inspiré. J’aime les aventures sur l’eau, aller à la découverte. Depuis deux ans, je faisais des allers-retours en bateau. Et là, j’ai sillonné les Antilles. Puis j’ai voyagé de la Jamaïque à Cuba avec ma femme Isabelle et mon fils.

Inoubliable ?
Oui. La liberté, il faut la prendre. Nous étions ensemble tout le temps. J’ai vu mon fils grandir. J’étais constamment avec lui et ma femme. On pouvait faire une partie de backgammon ou encore aller pêcher. On a appris ensemble à préparer un poisson.

Récemment, vous avez dit : « La musique a sauvé ma vie ! Permis d’exister. » Sans elle, vous auriez pu tomber dans la déprime ?
Petit, je jouais au tennis contre un mur. Dans ma tête, j’étais à Wimbledon. Quand on est jeune, chacun s’identifie à un champion. Mon fils, quand il joue au football, il est Zlatan Ibrahimovic. Quand je jouais au tennis, j’étais Arthur Ashe. Un jour, j’ai rencontré ce dernier. Plus tard, j’ai joué à Wimbledon. Et là, vous vous découvrez toute la force de votre rêve, la possibilité de faire plaisir aux gens. Vous gagnez, les gens vous encouragent. Vous devenez leur joueur. Des petits deviennent Yannick Noah lorsqu’ils jouent au tennis contre un mur. Vous vous rendez compte du pouvoir que vous avez pour donner du bonheur. Alors, il faut continuer à vivre comme ça.

Etre tourné vers les autres fut le déclic pour créer l’association « Fête le Mur » ?
Tout est lié. Et la musique, c’est la même chose. C’est un partage. Chanter seul est une bonne thérapie. La partager à trois, à dix, à cent ou à mille est merveilleux. Vous pouvez créer des moments de communion. Vous jouez en Coupe Davis, vous gagnez, vous créez un moment de communion. Vous allez à l’hôpital voir un enfant malade dont les parents parlaient de vous. En rentrant dans la chambre, d’un coup, les sourires apparaissent. C’est juste miraculeux. Et il y a des opérations comme Cap48 qui vous permettent de réellement aider. Les petites images du succès sont fausses : la voiture, l’argent, le star-system, l’abondance, l’ego, tout ça, c’est rien ! C’est le vide ! Dans la vie, seul compte le pouvoir de faire plaisir à l’autre.

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Avec Bonheur Indigo, vous renouez avec votre énergie première, la fête et l’ambiance ?
Exactement. L’un de mes plus beaux souvenirs en Belgique fut le concert au Cirque royal, où la fête s’est poursuivie en dehors de l’enceinte. Je me souviendrai toujours de ces gens aux balcons qui voyaient des centaines de personnes chanter dans la rue. Ça, c’est mon énergie. Je me nourris de ça. Je fais ce travail pour ça : partager et communier.

Votre chanson « Ma colère » avait fait polémique à l’époque. Cela vous a chagriné ?
Non, pas du tout. Quand John Lennon a écrit « Imagine », ce n’était pas populaire. Quand, avec son épouse, il a fait sa conférence de presse dans son lit pour sensibiliser les gens à l’importance de la paix, ce n’était pas populaire non plus. Mais aujourd’hui, on écoute toujours sa chanson.

 

Vous souvenez-vous de votre première visite en Belgique ?
Petit, j’y suis venu avec mes parents, puisqu’on a grandi dans les Ardennes. Je me souviens aussi de ma première année en équipe de France minimes. J’avais 12 ans. C’était un Belgique-France. J’avais joué contre Bernard Boileau et perdu contre lui. Je me souviens aussi de cette équipe qui parlait français avec un accent différent et que Bernard, qui depuis est devenu mon ami, avait dit « Il joue fort bien, ce jeune ». Moi, j’étais juste énervé d’avoir perdu ! (Rires)

Un péché mignon belge ?
La bière. Attention, pas à la bouteille, mais dans un verre. Ça change tout.

Un plat belge préféré ?
J’adore les moules. J’ai deux copains belges qui habitent à Marbella. Le père fait d’excellentes frites ! C’est un petit clin d’œil à mes frères belges. Les moules, les frites et la bière, c’est vraiment ma vie.

Qu’est-ce que vous ne comprenez pas en Belgique ?
Je ne comprends pas comment les Belges font pour être tellement mieux que les Français ! Pourquoi sont-ils moins déprimés que nous ? Plus joyeux que nous ? Plus artistiques que nous ? Plus libres que nous ? C’est vraiment un sentiment qui m’anime à chaque fois que je viens en Belgique. Il y a un premier sentiment, celui de me sentir chez moi. Mes potes belges sont comme des frères. Il y a un véritable lien. Je prends le train, et dès que j’arrive à la gare, les gens sont plus détendus.

Selon vous, qu’est-ce que la France devrait emprunter à la Belgique ?
Cette détente. Qu’on puisse se relaxer un peu. Que parfois les Français arrivent à dire : « Ce n’est pas grave ! Regardez : en 
Belgique, ils arrivent même à vivre sans gouvernement. »

 

©DR

 

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