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« Fleur militante » : Quand Flower by Kenzo fait son cinéma

Flower by Kenzo, un coquelicot qui ne fane pas depuis 18 ans. | © DR

Beauté et bien-être

Du flacon à l’écran, le coquelicot Flower by Kenzo fleurit depuis 18 ans. Patrick Guedj, photographe et Directeur Créatif Kenzo, explique la mise en image(s) d’une icône de la parfumerie moderne.

Paris Match. C’est à votre regard que l’on doit chaque campagne Flower by Kenzo ?

Patrick Guedj. Oui, sauf la première. Une nouvelle campagne, et donc un film, sont scénarisés tous les trois ans afin que le parfum, devenu intemporel, continue à surprendre. Les épisodes se déroulent toujours dans un contexte de poésie urbaine : Buenos Aires, Miami, Paris, Brazilia et cette année, San Francisco. La saga demeure fidèle au manifeste initial : une fleur militante qui fraie son chemin sans état d’âme romantique, à travers le béton de la ville.

Vous avez travaillé sur l’image et le parfum en lui-même ?

A l’époque, cela faisait partie de ma mission. Au départ du fondateur Kenzo Takada, j’ai été engagé comme photographe et directeur marketing. L’idée, de l’image et du parfum, est partie d’une photo prise à Washington le 21 octobre 1967. Plus forte qu’un slogan, elle a fait le tour du monde : une jeune manifestante contre la guerre du Vietnam qui offre une fleur aux soldats armés.

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Ce n’était pas un coquelicot ! Pourquoi avoir choisi cette fleur inodore ? Une fleur ‘muette’ en langage de parfumeur. 

Le coquelicot a du sens pour nous. C’est une fleur rebelle, forte et fragile à la fois. Capable de pousser entre deux pierres mais qui fane dès qu’on la coupe. Si elle ne sent rien, elle exhale la poésie. Il suffisait de la ‘fantasmer’ : le nez Alberto Morillas a imaginé une senteur enveloppante, lumineuse, sensuelle.

Au fil du temps, les campagnes sont de plus en plus dynamiques. De moins en moins zen…

Que l’atmosphère de chaque film respire la joie et l’énergie correspond, au contraire, au zen. Le zen est une philosophie basée sur la jouissance de l’instant et le bonheur. Les Occidentaux utilisent mal ce mot qui n’a jamais signifié sobriété, ni dépouillement !

Patrick Guedj : « Ma référence en photographie ? Le belge Harry Gruyart, un ancien de l’Agende Gamma. Sa manière d’aborder le graphisme de l’image m’a toujours impressionné. Son livre sur la Belgique est magnifique ! »

Parlez-nous du tournage du film actuel. L’actrice star sud-coréene Tim Tae-Ri marche d’un pas décidé dans les rues de San Francisco et entraîne en chantant tous les gens qu’elle croise. Enfin, elle fait exploser une sphère géante de pétales qui se répandent sur la ville.

Cette sphère, nous l’avons réellement fabriquée… sur un parking, à quelques kilomètres du lieu de tournage. Je ne voulais pas d’une image 3D. Ensuite, la structure de milliers de fils nylon translucides et de pétales en tissu a été replacée numériquement dans le décor. Mélanger un sentiment d’irréel au réel, l’onirique et l’humain, c’est ce que j’aime. Les gens croisés ne sont pas des comédiens, on les entend vraiment chanter « How to win war ? ». On n’a utilisé aucun éclairage artificiel durant les trois jours de tournage en extérieur. Pour photographier, je préfère aussi le grain sensoriel, la chaleur, la profondeur de l’argentique… Bref, tout ce que l’on a perdu avec le numérique. Je déteste son côté ‘image glacée’. En revanche, employer un Iphone m’intéresse beaucoup pour des photos ultra rapides, à quelques centimètres du sujet.

On comprend que vous êtes, avant tout, un artiste.

J’ai toujours refusé de me limiter à un seul genre. J’ai écrit plusieurs romans. Manier l’image, l’écriture, la photo : tout peut se mélanger pour aboutir à un film où un parfum répand la beauté et fédère les gens autour de valeurs humaines positives…

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