De la mine à la vitrine, le mode d’emploi pour acheter un bijou responsable

Un million d'enfants fourniraient la main-d'œuvre des exploitations minières. | © Better Diamont Initiative
Fabriquer un bijou sans occasionner de dégâts environnementaux et humains est un défi que tentent de relever de plus en plus de grandes maisons.
Une figure, et non des moindres, Leonardo DiCaprio, est à la pointe médiatique de ce combat. Son rôle dans Blood Diamond en 2006 a déclenché une prise de conscience : le grand public redécouvre que le diamant, symbole de glamour, peut être exporté de pays en guerre et servir à financer l’achat d’armes. Second électrochoc provoqué par la star hollywoodienne : l’annonce de sa prise de participation dans Diamond Foundry, une société américaine produisant en laboratoire des diamants de synthèse ayant exactement la même composition chimique que ceux extraits de la terre.
Avec la vogue des circuits courts et du respect de l’environnement, les problématiques liées au bijou éthique ne font que prendre de l’ampleur… Selon Barbara Coignet, fondatrice de la plateforme 1 618, « la joaillerie, qui s’est longtemps tue, est aujourd’hui en pleine effervescence. Elle évolue et comprend qu’elle ne peut plus être associée à des images de paysages dévastés, de guerres ou de travailleurs misérables. Elle sait que le développement durable fera partie intégrante du luxe de demain et que les consommateurs vont poser de plus en plus de questions. D’abord sensibilisés au thème de l’environnement, ils prennent ensuite conscience de l’homme et de ses conditions de travail ».
Un million d’enfants fourniraient la main-d’œuvre des exploitations minières
Comme la mode, cet univers scintillant a donc une face sombre… Produire un bijou a d’abord un impact sur la nature : un kilo d’or extrait industriellement émet 27 tonnes de gaz à effet de serre et nécessite plus de 1 million de litres d’eau, selon l’Alliance for Responsible Mining. « Une bague en or génère 20 tonnes de déchets miniers contenant du mercure et du cyanure, finalement rejetés dans l’eau », explique la créatrice américaine Monique Péan. Human Rights Watch estime qu’un million d’enfants dans le monde fourniraient la main-d’œuvre de petites exploitations minières intensives d’où viennent 15 % de l’or. Des chiffres qui font froid dans le dos.
Pour ceux qui y sont sensibles, la première chose avant d’acheter un bijou est de s’assurer que son joaillier adhère au RJC. Le Responsible Jewellery Council, l’une des premières initiatives prises par les acteurs du secteur, est composé de négociants, de sertisseurs, de joailliers, de lapidaires, de producteurs de matières premières s’engageant à respecter une charte éthique. Tous les grands en font partie : Van Cleef & Arpels, Cartier, Chanel, Boucheron, Pomellato, Louis Vuitton, Piaget ou Bulgari.
Si vous achetez un diamant pour votre bague de fiançailles, assurez-vous aussi que le certificat mentionne le processus de Kimberley. C’est une obligation. Mis en place en 2003, ce régime de certification assure la traçabilité du diamant et garantit qu’il n’a pas servi à financer de conflit ou impliqué le travail d’enfants – même si des failles existent. En revanche, vous n’aurez aucune garantie pour les minuscules diamants utilisés en pavage, vendus dans des lots composés sans indication de provenance.

De la mine à la vitrine, les chemins empruntés par les pierres de couleur (améthystes, tourmalines, saphirs, émeraudes, jades et autres spinelles) sont particulièrement opaques. Celles-ci sont extraites de milliers de mines partout dans le monde, de Madagascar à la Birmanie en passant par la Colombie, le Brésil, l’Afghanistan ou encore l’Inde. Les pierres suivent ensuite un long itinéraire, avec un nombre incalculable d’intermédiaires : lapidaires, négociants, sertisseurs, etc. À la fin, comment réussir à savoir si, à des milliers de kilomètres, des enfants n’ont pas participé à l’extraction, si la forêt n’a pas été dévastée ou si les mineurs sont suffisamment payés pour subvenir aux besoins de leurs familles ? En coulisses, les groupes internationaux comme Richemont, LVMH et Kering déploient de plus en plus de moyens pour cartographier le parcours de leurs pierres, avec l’aide de producteurs comme Gemfields, assurant les extraire dans des conditions irréprochables.
Bannir les rubis de Birmanie
Les choses progressent. Lors de la présentation de sa dernière collection de haute joaillerie, Boucheron spécifiait que son émeraude zambienne de plus de 10 carats était complètement traçable. « Ce qui a également contribué à séduire l’acheteur », affirme Claire Piroddi, responsable développement durable pour l’horlogerie et la joaillerie de Kering.

Chacun a aussi le choix de bannir des pierres de couleur à la provenance douteuse, comme les rubis de Birmanie. Car, même si Barack Obama a levé l’embargo lors de l’accession au pouvoir d’Aung San Suu Kyi, les mines sont toujours sous le contrôle de sociétés dirigées par les militaires. Trouées et ébranlées par les dynamitages, elles représentent en outre un danger très grand pour la vie des travailleurs. Chacun a aussi la possibilité de choisir des matériaux recyclés ayant déjà appartenu à un bijou, comme l’or et les diamants de Monique Péan ou les émeraudes anciennes de Colombie sur le collier Van Cleef & Arpels.
L’or responsable
En ce qui concerne l’achat d’un bijou en or, il existe des labels garants de la traçabilité comme Fairtrade ou Fairmined. Ce dernier a connu une notoriété fulgurante quand Caroline Scheufele, présidente de Chopard, s’est mise à l’utiliser pour sa Palme d’or et sa collection Green Carpet, lancée chaque année au Festival de Cannes. De quelles meilleures ambassadrices que Marion Cotillard ou Julianne Moore ce label pouvait-il rêver ? Au fur et à mesure, l’or Fairmined est aussi devenu la base de collections plus accessibles, comme Palme verte ou Ice Cube Pure.

Cet or responsable, encore produit en quantité limitée, est surtout la spécialité d’acteurs plus petits et moins connus, dont le consommateur ignore le plus souvent l’existence. C’est pour cela que Morgane Lamarre, acheteuse joaillerie des Galeries Lafayette, a choisi l’un d’entre eux, JEM (Jewellery Ethically Minded). Il en existe également d’autres, comme Paulette à bicyclette, réputée pour ses alliances texturées, Ute Decker ou Tejen, avec ses pièces pures et graphiques.
Reste à savoir si le consommateur est prêt à payer son bijou environ 20 % plus cher qu’un autre en or classique. Pour aller plus loin dans cette démarche responsable, Morgane Lamarre présente également les bijoux d’Innocent Stone, en or recyclé et diamants de synthèse. De véritables diamants n’occasionnant ni dégâts environnementaux ni travail forcé, et pour cause : ils sont fabriqués dans une machine, avec un morceau de carbone soumis à une haute pression et à une haute température. Le fin du fin.