Dettes et fermetures de restaurants : ça sent le roussi pour Jamie Oliver

Jamie Oliver est probablement l'un des chefs les plus photographiés au monde. Son visage est connu de tous, même des moins gastronomes. | © David Sandison/dpa
L’empire du célèbre chef britannique semble sur le point de vaciller : avec 90 millions d’euros de dettes, son affaire de restaurants prend l’eau. Mais est-elle indispensable à un cuisinier-entrepreneur qui est sa propre marque ?
Quiconque a un jour été frappé par une épiphanie culinaire et a décidé d’entreprendre de cuire davantage que des omelettes dans ses poêles a probablement un livre de Jamie Oliver trônant fièrement dans sa cuisine – ou derrière une série d’autres bouquins de recettes, si les premiers émois gustatifs ont dépassé la première année critique derrière les fourneaux. C’est que le chef britannique, 42 ans aujourd’hui, a toujours été un modèle à suivre : celui d’une ascension durable et la preuve que tout est possible, quand on décide de vivre sa passion pleinement.
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Et après s’être élevé à la force du poignet – touillant dans une casserole -, notamment à travers un show culinaire à la télévision anglaise, « The Naked Chef », Jamie Oliver a diversifié les opportunités autour de ses talents : un goût certain, un charisme indéniable, et surtout, un sens des affaires redoutables. Plus qu’un chef de télévision, il est devenu une véritable marque, qui se décline sur des ustensiles, des produits et, forcément, une flopée de restaurants. Un empire fascinant, qui vaudrait près de 170 millions d’euros.

90 millions d’euros de dettes
La plus célèbre de ses entreprises de la table, au Royaume-Uni, est probablement sa chaine de restaurants « Jamie’s Italian », où le cuisinier revisite les classiques de l’Italie avec un twist, autour de tablées conviviales et, pomodoro sur le spaghetti, une addition accessible. À l’ouverture du premier Jamie’s Italian en 2008 à Oxford, on faisait la queue pour pouvoir s’asseoir à l’une de ces tables « vues à la télévision ». À tel point que dix ans plus tard, l’entrepreneur culinaire peut se targuer d’avoir ouvert 37 versions du restaurant à travers le monde. Mais, à en croire des documents légaux et le Guardian, l’empire de Jamie Oliver pourrait bien être en train de connaitre un sérieux revers.
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Ce sont pas moins de 90 millions d’euros que devraient les Jamie’s Italian à leurs créanciers, des propriétaires des lieux aux fournisseurs, en passant par le personnel des restaurants lui-même, à qui l’ont devrait environs 2,5 millions d’euros. Et malgré que le chef ait investi plus de 3 millions de sa propre fortune dans le sauvetage des restaurants, la chaine annonçait en janvier dernier qu’il allait lui falloir fermer 12 de ses 37 restaurants pour tenter de sauver ce qu’il reste de l’entreprise. Et en même temps que les liquidités, nombre des collaborateurs historiques de Jamie Olivier quittent le navire.
Fermeture définitive ?
Alors que les Jamie’s Italian avaient ouverts à une époque où le cuisinier était au sommet de son art, et l’un des chefs les plus réputés du pays, la compétition se fait aujourd’hui plus féroce en Grande-Bretagne, plus uniquement le royaume du fish and chips depuis bien longtemps. Pour la chaine, celui qu’il faut également blâmer, c’est le Brexit. Pour la plupart des observateurs, c’est surtout une bien mauvaise gestion de son business, aujourd’hui, qui conduit Jamie Oliver dans l’impasse.

En 2015 déjà, la fermeture de sa branche de delis Recipease sera suivie deux ans plus tard de ses quatre derniers restaurants de cuisine britannique. En octobre dernier, c’est son magazine, publié depuis plus de dix ans, qui mettait la clef sous le paillasson. Un coup dur dont on se relève, s’il n’avait pas été suivi par la fin précoce de sa toute dernière aventure aux fourneaux : Barbecoa, qui comptait deux restaurants de grillades.
Le business d’Oliver est essentiellement une marque construite autour de sa personnalité.
Pourtant, à en croire les relevés de l’affaire, Jamie Oliver n’a jamais profité financièrement de ses restaurants : ils n’étaient qu’un énième autel à la gloire du chef, qui vit relativement confortablement grâce à la marque qu’il a bâtie dès les cuisines du River Cafe londonien, quand une équipe de télévision a saisi le potentiel de ce cuisinier junior plein de bagout.

« Le business d’Oliver est essentiellement une marque construite autour de sa personnalité, avec une opération de restauration en parallèle », analyse pour le Guardian Paolo Aversa, un professeur de stratégie à la Cass Business School de Londres. « Ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose, parce que de nombreuses entreprises maintiennent des activités non-lucratives pour entretenir leur image ». Mais à l’heure où la faillite de ses restaurants pourrait désormais sérieusement égratigner la marque Jamie Olivier, combien de temps le chef-entrepreneur s’accrochera encore à un rêve qu’il n’avait encore jamais osé caresser avant sa première télévision : avoir son propre restaurant ?