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Comment une province roumaine s’est invitée à la Fashion Week de Paris

Les artisans roumains sont devenus les designers d'une marque qui mêle tradition et style. | © Bihor couture

Mode

En Roumanie, une région s’oppose à l’un des géants de la mode, qu’elle accuse de s’être trop inspiré de ses vêtements traditionnels.

 

Tout le monde ne peut pas se permettre de porter du Dior. Pourtant, les habitants de la région de Bihor, en Roumanie, le font… depuis des décennies. En 2017, alors que la griffe française sort sa nouvelle collection, ces Roumains sont ainsi étonnés d’y découvrir des motifs et modèles directement inspirés de leurs vestes traditionnelles. Quand ils en découvrent le prix, les bras leur en tombent : jusqu’à 30 000 euros pour certaines pièces – plus que tout ce qu’ils auraient pu imaginer pour un veston habituellement porté par les anciens des parages.

« L’affaire Dior » n’est pourtant pas un cas isolé : retrouver des élements de cultures traditionnelles dans la mode d’aujourd’hui est relativement courant, les marques les plus réputées ne cachant pas les voyages de leurs employés pisteurs, chargés de débusquer la nouvelle tendance dans les coupes et motifs d’antan. Mais cette fois, face à l’absence de crédit accordé à la communauté de Bihor et à ses artisans, le magazine roumain Beau Monde – en français – s’est insurgé et a décidé de passer à l’action : en créant Bihor Couture, une marque et une campagne destiné à vendre des vêtements traditionnels conçus par des couturiers locaux, dont les recettes seront consacrées à des projets locaux.

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« Bien que s’inspirer est compréhensible, nous pensons qu’il est un peu injuste que rien ne retourne aux communautés qui luttent pour garder leurs traditions vivantes, ni en termes de revenus ni de relations publiques« , peut-on lire sur le site de Bihor Couture. Une riposte à la communication rondement menée, qui propage sur ces vestes colorées une aura de cool longtemps passée inaperçue. Et qui va bien plus loin qu’un simple e-shop…

L’une des représentantes de la marque – et du patrimoine vestimentaire roumain – s’est ainsi invitée à la dernière fashion week de Paris pour se mêler aux influenceurs et poser pour des photographes – à la fois intrigués et amusés.

Appropriation culturelle

Mais ces artisans roumains ne sont pas les seuls à s’insurger contre l’usage qui est fait de leur culture populaire. Depuis plusieurs années, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer l' »appropriation culturelle » régnant dans le monde de la mode. Traditions inuites, basothos, amérindiennes, japonaises… elles ont toutes fait l’objet d’une récupération plus ou moins consciente de la part de petites et grandes marques, sans pour autant pouvoir tirer profit de la mise en valeur de ce qui était autrefois considéré comme indigne des podiums. Car ce que certains considèrent comme un métissage bienvenu, d’autres l’envisagent comme un pillage, plutôt qu’une simple inspiration.

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Sur le sujet, experts et militants de tous bords se déchirent : où s’arrête une culture hybride et où débute celle qui écrase les autres dans son propre et seul intérêt ? Est-ce bien un emprunt quand on en voit jamais le « retour » ? Telle est la question également soulevée par les pompons et fourrures de Bihor.

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