De l’illusion aux shootings, l’avènement des mannequins virtuels pose question

La "Virtual Army" de Balmain. | © Capture d'écran Balmain.
Sélectionnées par la marque Balmain, Margot, Shudu et Zhi font partie des nouveaux influenceurs virtuels composés de codes informatiques.
Vous ne les verrez jamais défiler sur les podiums en chair et en os car elles ne sont pas humaines. Margot, Shudu et Zhi ont été choisies par la célèbre maison de couture Balmain pour être les égéries de sa nouvelle campagne. Surnommées la « virtual army », les trois mannequins réunies par le directeur artistique Olivier Rousteing ont été entièrement fabriquées par ordinateur.
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Déjà connue avant cette campagne, la mannequin noire Shudu a été créée par l’artiste-photographe Cameron-James Wilson. Elle compte près de 140 000 followers sur Instagram. Et au-delà de son goût pour la mode et les podiums, Shudu appartient à la communauté de plus en plus large des influenceurs virtuels, nouveau phénomène qui envahit le web.
Des ambassadrices dociles
Elles sont ce qu’on appelle des CGI (pour « computer generated image »), autrement dit des images de synthèse purement fictives, et qui récoltent des dizaines de milliers de likes à chaque publication sur les réseaux. Lil Miquela, une autre influenceuse virtuelle, compte elle 1,2 million d’abonnés sur sa page Instagram. Son audience est composée à 80 % de femmes et de jeunes (entre 14 et 34 ans), et elle constitue une ambassadrice privilégiée, voire idéale car le contrôle est total, pour les marques qui veulent cibler ce type de clientèle.
Techcrunch nous apprend que c’est Brud, une start-up californienne spécialisée dans la robotique et l’intelligence artificielle, qui est à l’origine de ces modèles numériques. Avec Blawko22 and BermudaisBae, elle a signé des juteux contrats en partenariat avec Nike, Diesel ou Prada, pour des sommes qui se comptent en millions de dollars.
Lil Miquela se porte quant à elle plutôt bien. Elle a diffusé trois morceaux sur Spotify, et sorti des clips vidéos où on peut la voir se déplacer, grande nouveauté.
La marque de luxe Louis Vuitton a elle aussi adopté les ambassadeurs digitaux, avec Lightning, l’héroïne du jeu video japonais Final Fantasy.
Des critiques qui fusent
Le phénomène est aussi la cible de pas mal de critiques. Alors qu’elle a avait été soutenue par Fenty, la marque de Rihanna, Shudu a été prise à partie sur les réseaux sociaux. La raison ? Le monde de la mode souffrant déjà d’un sérieux manque de diversité, des voix ont suggéré d’embaucher de vraies mannequins noires à la place. Et même si certains internautes ont applaudi le réalisme de cette création numérique, la plupart d’entre eux étaient furieux. Notamment à cause du partage de l’une des photos de l’influenceuse par la marque de cosmétiques de Rihanna, le 9 février. « Vous pensez vraiment qu’il n’existe pas de femme noire comme elle ? », peut-on lire dans les commentaires.
A white photographer figured out a way to profit off of black women without ever having to pay one. Now pls, tell me how our economic system is in no way built on and quite frankly reliant on racism and misogyny 🤧🤔 https://t.co/k7tDc7cXLL
— Glodan ✨💛✨ (@hodayum) 27 février 2018
D’autres détracteurs accusent aux créateurs de ces avatars de ne pas être assez transparents sur la nature artificielle de ces figures, et de maintenir le public dans le doute. Certains commentaires sur les photos du compte instagram de ces influenceurs virtuels montrent que leurs auteurs n’ont pas perçu le caractère virtuel de ces figures. “On voit qu’elle est retouchée sur photoshop” est une observation, il est vrai, assez fréquente.
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D’autres critiques plus intéressantes viennent poser certaines questions fondamentales du type « pourquoi suivre les recommandations de personnes qui n’existent pas dans la réalité ? » Il est vrai que ces avatars ne peuvent sentir, toucher ou voir, alors comment peuvent-ils se porter garants de la qualité d’un produit ?