Certificat médical pour les mannequins, photos avec la mention « retouchée » : la situation évolue (et c’est bien)

Alexis Ren et ses courbes qui affolent ses 9 millions d'abonnés Instagram. | © Instagram @Alexisren
En France, désormais, les photos retouchées pour modifier la silhouette devront le mentionner clairement, et à compter du 1er octobre 2017, les mannequins devront fournir un certificat médical pour exercer leur activité. Un décret anti-maigreur qui vise à prévenir l’anorexie chez les femmes.
C’est une petite avancée dans le milieu du mannequinat en France, petite certes, mais une avancée quand même. Selon deux textes publiés vendredi 5 mai au Journal officiel, destinés à « prévenir les troubles du comportement alimentaire », à partir du 1er octobre 2017, « il sera obligatoire d’accompagner les photographies à usage commercial de la mention ‘photographie retouchée’ lorsque l’apparence corporelle des mannequins a été modifiée par un logiciel de traitement d’image, pour affiner ou épaissir leur silhouette », indique le ministère de la Santé français dans un communiqué. Cette obligation concerne les photographies « insérées dans des messages publicitaires » dans la presse, sur des affiches, sur internet ou encore dans les catalogues et prospectus, précise le décret. Et s’il n’est pas respecté, l’amende pourra monter jusqu’à 37 500 euros.
Un combat qui se concrétise enfin !
Exploiter l’extrême maigreur des mannequins sera pénalisé https://t.co/oMSuIrA1Ip— olivier veran (@olivierveran) 5 mai 2017
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Un certificat médical bientôt obligatoire pour les mannequins
Délivré par la médecine du travail en France « dans le cadre des visites d’information et de prévention ou des examens médicaux d’aptitude » prévus par le code du travail, et valable deux ans minimum, le certificat médical attestera « que l’état de santé global de la personne (…), évalué notamment au regard de son indice de masse corporelle, lui permet l’exercice de l’activité de mannequin ». Cette mesure est entrée en vigueur samedi 6 mai et s’applique également aux mannequins d’un autre pays de l’Espace économique européen lorsqu’ils exercent en France.
Dans ses posts Instagram, le mannequin Jazz Egger explique l’envers du décor de ses posts Instagram :
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« La profession a été associée à la rédaction de ces textes et donc informée en amont », a précisé le ministère. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne est considérée comme maigre lorsque son Indice de Masse Corporelle (qui correspond au rapport entre poids et taille) est inférieur à 18,5.
Agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes.
Ces deux dispositions « visent à agir sur l’image du corps dans la société pour éviter la promotion d’idéaux de beauté inaccessibles et prévenir l’anorexie chez les jeunes », ainsi qu’à « protéger la santé d’une catégorie de la population particulièrement touchée par ce risque: les mannequins », explique le ministère. Elles avaient déjà été votées dans la loi Santé de janvier 2016, mais les textes d’application n’avaient toujours pas été publiés. Initialement le projet de loi prévoyait un IMC minimal, mais il avait ensuite été modifié. Les employeurs qui ne respecteront pas la loi risqueront jusqu’à six mois d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Ici, Charli Howard qui prone le « body positivism » :
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Pour Odile Farber, directrice de l’agence Dominique Models en Belgique, ce nouveau décret « est une bonne chose » pour les mannequins en France, même si « dans le fond c’est surtout pour les clients, qui seront contents et protégés. Il faudrait plutôt dire aux clients de faire défiler des tailles 36/38. J’espère que cela va faire bouger les choses car en vingt ans cela n’a jamais changé depuis que je suis dans le métier ». Car oui, les clients vont se protéger en brandissant les certificats médicaux des mannequins. Quant à la mention sur les photos retouchées : « Ils devront le faire sur toutes les photos dans ce cas. Aussi, il faut savoir que sur des filles minces, il y a moins de retouches que sur des filles qu’avec des formes. De toute façon, le marché de la mode est pour tout le monde. On peut être mince de nature, sans être anorexique, il ne faut pas toujours stigmatiser la minceur ».
Et comme le précise Odile Farber, la Belgique n’est pas vraiment concernée car « il n’y a pas de fashion week. Et puis il y a une dizaine d’années, nous avons déjà signé une charte en Wallonie par la Ministre de la santé, pour protéger les mannequins ».
On ne recherche pas une femme, mais pas un cintre.
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En Espagne, Madrid interdit de défiler depuis septembre 2006 les mannequins en dessous d’un IMC de 18. En Israël, selon la loi « Photoshop », votée en 2012, idem pour les mannequins avec un IMC inférieur à 18,5) et il est interdit d’utiliser un logiciel de retouche pour affiner la silhouette d’un mannequin sans le mentionner sur la photo.
Sur Instagram, la mannequin Liza Golden-Bhojwani montre sa métamorphose et explique ne plus s’affamer, et être beaucoup plus heureuse aujourd’hui :
Pour Aurore Morisse, 26 ans, mannequin belge qui a quitté le milieu dit « fashion » (haute-couture) pour la mode plus « commerciale »‘ (les mannequins des publicités et non des grands défilés), ce décret en France « est une très bonne chose. Il faut qu’on arrête d’idéaliser le corps de la femme et de l’homme. Ce qu’on voit sur les photos, ce n’est pas la réalité ! En tant que mannequin, on ne se reconnaît plus après sur les photos retouchées. En mode, on ne cherche pas femme telle qu’elle est, on cherche un cintre. Et une femme, ce n’est pas qu’un cintre justement ».
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Aurore Morisse qui co-écrit actuellement un livre sur le milieu de la mode qu’elle considère comme « mortel » (en France, l’anorexie mentale est la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans) nous explique avoir commencé à 14 ans chez l’agence Dominique Models : « L’une de mes bookeuses m’avait dit d’arrêter le sport et on m’a demandé de perdre 7 kilos… On ne parle pas assez de tout cela car c’est mauvais pour la réputation de l’agence, pour les mannequins… Moi j’ai ouvert ma gueule et donc ne je suis pas devenue mannequin internationale ». Ce qu’elle ne regrette absolument pas, bien au contraire : « Je suis bien plus épanouie aujourd’hui ! Je mange, je bois, bref, je vis ! Je suis à l’aise avec mon corps. Je travaille en France, aux Pays-Bas… Je bosse plus et je me fais même plus d’argent ».

Aurore Morisse en pull Sandro sur madeandmore.com
« En vrai, il faut savoir qu’on ne vous pèse presque jamais en agence. Ce qui compte surtout, ce sont les mesures : le tour de taille, des hanches… On vous traite comme un morceau de viande, vous n’êtes personne. On vous diminue. On brise votre estime. On vous bousille votre mode de vie. Et du jour au lendemain, on n’est plus personne. C’est le monde du mensonge ».
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Vers une prise de conscience du corps tel qu’il est ?
Pour Aurore, cette mention de « photo retouchée » ne peut donc qu’être positive pour toutes ces jeunes femmes qui « idéalisent » le corps féminin « Il faut assumer notre corps et mettre en avant ses qualités ou ses défauts (…) Mais je ne suis pas défaitiste. Les femmes vont chercher des problèmes qu’elles n’ont pas. Il faut juste qu’elles prennent conscience de leur beauté. Il faut qu’on soit juste qu’on plus bienveillantes avec nous-mêmes, qu’on apprenne à vivre, à boire, à manger… et sans forcément se priver parce que l’été arrive bientôt. Et qu’on se dise entre nous qu’on est belles ».