Tesla à l’heure du doute

Le roadster de Tesla en orbite. | © AFP PHOTO / SPACEX / HO
Le constructeur automobile américain subit la désaffection des marchés, alors qu’il peine à surmonter ses problèmes de production.
Devant les objectifs, Elon Musk affiche un air de défi. Ce 29 juin 2010, le P-DG de Tesla célèbre l’introduction en bourse de sa société, sous les logos et les lumières de Times Square, à New York. Le jeune patron vient de fêter son 39e anniversaire. Sa société ne fabrique alors qu’un petit véhicule sportif, apprécié des riches et des stars de Hollywood, la Roadster. Il n’en espère pas moins révolutionner l’industrie automobile. Se doute-t-il de l’ampleur des difficultés qui l’attendent?
Les débuts ont pourtant été spectaculaires. La Model S, grande berline électrique lancée en 2012, a surpris tous ceux qui l’ont essayée. Produit réussi, digne de concurrencer les véhicules haut de gamme de constructeurs centenaires, elle a suscité des espoirs démesurés quant à l’avenir de Tesla. Preuve du succès de cette onéreuse voiture, la Model S s’est même glissée dans le top 3 des ventes de son segment en France, avec 862 véhicules écoulés en 2017 selon des données communiquées par AAA DATA, loin derrière la Mercedes Classe E et la BMW Série 5 mais devant l’Audi A6.

Il y a eu une véritable euphorie autour de Tesla, le cours de l’action en témoigne. Cotée un peu moins de 24 dollars en juin 2010, elle s’est envolée au delà des 380 dollars en juin 2017. Mais les marchés semblent désormais se lasser de Tesla, alors que son patron plaisante à coups de poissons d’avril annonçant la banqueroute de l’entreprise. Depuis fin février, l’action Tesla a perdu environ 25% de sa valeur. Certes, l’ensemble des valeurs technologiques est à la peine, mais le constructeur de voitures électriques fait face à des difficultés propres.
Elon Musk plaisante sur la « banqueroute » de Tesla, dimanche 1er avril
Tesla Goes Bankrupt
Palo Alto, California, April 1, 2018 — Despite intense efforts to raise money, including a last-ditch mass sale of Easter Eggs, we are sad to report that Tesla has gone completely and totally bankrupt. So bankrupt, you can’t believe it.— Elon Musk (@elonmusk) 1 avril 2018
Elon was found passed out against a Tesla Model 3, surrounded by « Teslaquilla » bottles, the tracks of dried tears still visible on his cheeks.
This is not a forward-looking statement, because, obviously, what’s the point?
Happy New Month! pic.twitter.com/YcouvFz6Y1
— Elon Musk (@elonmusk) 1 avril 2018
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La Model 3, berline moyenne au tarif plus accessible que sa grande soeur, devait permettre à Tesla de rivaliser avec les plus grands. Mais passer à la production de masse s’est avéré très compliqué. Tesla devait produire 5000 Model 3 par semaine à la fin 2017, avec un objectif de 10 000 par semaine fin 2018. La firme avait revu ses prévisions à la baisse, avec un objectif à 5000 exemplaires pour fin juin. Mardi, en pleine tourmente boursière, Tesla a annoncé, dans un document déposé auprès de la Securities and exchange commission (SEC), avoir fabriqué 10 000 véhicules au premier trimestre. Selon Tesla, 2000 Model 3 sont sorties de ses chaînes de fabrication ces sept derniers jours. Le développement de cette voiture est crucial pour la marque, qui a grand besoin d’argent frais, ne serait-ce que pour financer certains de ses projets les plus ambitieux, comme le Semi, son camion électrique dévoilé l’an dernier. Des échéances financières importantes accroissent encore la nécessité de générer des liquidités, ainsi que le soulignait le New York Times la semaine dernière.
Des accidents mortels et des rappels
Aux inquiétudes sur la santé financière de Tesla s’ajoutent les interrogations qui portent sur ses produits. Le conducteur d’un SUV Model X est décédé en Californie dans un accident alors que le système d’assistance à la conduite Autopilot était enclenché. Tesla assure que « le conducteur avait reçu plusieurs avertissements visuels et l’un sonore » et que « les mains du conducteur n’ont pas été détectée sur le volant pendant six secondes précédant la collision ». Selon un message du constructeur sur son blog, « le conducteur a eu environ cinq secondes et 150 mètres » pour réagir. Le véhicule a percuté une glissière de sécurité déjà endommagée par un accident précédent, souligne Tesla, ce qui explique le degré de destruction. Les photos de la voiture après l’accident sont en effet impressionnantes. Une enquête a été ouverte pour déterminer les circonstances exactes du drame.

Autopilot avait déjà été impliqué dans un accident mortel en 2016. La caméra utilisée avait été incapable de détecter, sur fond de ciel clair, un camion blanc qui traversait la route. Depuis, des mises à jour avaient été effectuées sur le système, afin d’impliquer plus les conducteurs trop tentés de faire confiance à la machine. Néanmoins, le système d’assistance à la conduite de Tesla apporterait bien une amélioration considérable de la sécurité au volant. « Aux États-Unis, il y a un mort sur la route tous les 86 millions de kilomètres parcourus tous véhicules et tous constructeurs confondus », affirme Tesla sur son blog. Pour les Tesla équipées d’Autopilot, le chiffre n’est que d’un mort tous les 320 millions de miles.
Pour ne rien arranger aux affaires de l’entreprise, Tesla a dû initier un rappel massif de 123 000 Model S fabriquée avant avril 2016, pour cause de corrosion excessive sur des boulons de direction assistée. Selon le mail envoyé à ses clients et cité par l’AFP, aucun accident n’a eu lieu en raison de ce défaut et personne n’a été blessé.
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Mardi après-midi, la capitalisation boursière de Tesla était d’environ 43,5 milliards de dollars. Il fut un temps où la petite entreprise dépassait en valeur les plus grands constructeurs. Ce n’est plus le cas : le géant General Motors valait 51,5 milliards de dollars à la même date.