Shigetaka Kurita, l’homme qui a modifié notre manière de communiquer

Aujourd'hui, on compte déjà 1 800 emojis reconnus et agréés par Unicode, l’institution qui normalise l’utilisation de ces petits pictogrammes. | © Flickr/Frank Behrens
Avant d’être popularisés par Apple ou Google, les émojis étaient l’œuvre d’un seul homme. Shigetaka Kurita est le créateur de ce nouveau langage qui présente tout de même quelques limites.
Ils sont les descendants des hiéroglyphes, les meilleures illustrations à nos émotions et même les stars d’un film d’animation : les émojis sont partout. Plus que le langage des signes, ces émoticônes sont un langage presque universel, utilisés par tous mais parfois à double interprétation. Pour gagner du temps ou par flemme, c’est selon.
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L’homme qui se cache derrière ces petits symboles, c’est Shigetaka Kurita. Ce Japonais n’avait que 25 ans lorsqu’il a créé la première série de 176 symboles pour NTT DoCoMo en 1998, en seulement un mois. À cette époque, la compagnie japonaise lançait son premier système de messagerie internet, limité à 250 signes par message. Le défi de Shigetaka Kurita était donc de créer des symboles pour utiliser moins de mots mais aussi pour faire passer une émotion. Un succès immédiat au Japon. L’émoji, combinaison des mots japonais pour « image » et « lettres », était né.
La première série d’émojis
Ce premier set comprenait déjà de nombreux émojis utilisés aujourd’hui : les panneaux de signalisation, les symboles météorologiques, des éléments inspirés des bandes dessinées comme l’ampoule et la bombe prête à exploser. Mais les émojis ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans les visages ronds et jaunes. À la fin des années 90, ils étaient seulement cinq à représenter cinq émotions : la joie, la colère, la tristesse, la surprise et l’incompréhension.
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— Biz Comm Strategies (@UCStrategies) September 21, 2017
Des sociétés comme Apple et Google se sont ensuite emparées des émojis et en ont fait un phénomène plus mondial. Mais leur créateur sait que tout a commencé au pays du Soleil Levant, grâce à lui. « Les Japonais sont toujours en avance sur notre temps », déclare sans prétention Shigetaka Kurita à ABC.
Le nouveau langage des émotions
Ce qui était à l’époque un simple élément graphique est devenu aujourd’hui un véritable outil de communication, popularisé par les réseaux sociaux (Facebook, Whatsapp, Twitter et Instagram), avec de nouveaux émojis et même des animations, comme la nouveauté d’Apple,
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« On incorpore de plus en plus d’images graphiques dans notre langage en ligne, comme les émojis mais aussi les gifs et les memes », explique Susan Herring, professeur de science de l’information et linguistique à l’Indiana University. Appauvrissement de la langue pour certains, enrichissement pour d’autres, les émojis se présentent même au-delà des appareils mobiles : dans la publicité, dans l’art ou encore dans les accessoires, ils ont envahi notre quotidien.
Émojis à répétition
Les émojis se différencient nettement du langage par le visuel, la rapidité d’utilisation, mais pas seulement. « Le langage s’exprime en séries, un mot après l’autre », explique Herring. « Mais les émojis ne s’utilisent pas de la même façon ». En effet, il n’est pas rare d’utiliser plusieurs émojis pour intensifier notre point de vue ou notre émotion. Très fatigué ? Le message contiendra plusieurs visages endormis. Surmené au boulot ? Pile de livres, livre ouvert, bombe prête à exploser… Les possibilités sont nombreuses.

Les limites des émojis
Mais selon Neil Cohn, un linguiste spécialisé dans la recherche du langage visuel, « les émojis ne sont pas universels ». Tentez de communiquer seulement par émojis, ne serait-ce que pendant 24 heures… Votre interlocuteur sera souvent à côté de la plaque. Chaque personne interprète l’élément graphique à sa façon. Les deux mains collées ensemble, paume contre paume, par exemple, peuvent signifier « s’il-te-plaît », « merci », une prière ou même un high-five. Ajouté à d’autres éléments pour raconter une histoire, cela devient encore plus confus.
Le pouvoir de changer le mode de vie
En seulement 20 ans, la première série de Shigetaka Kurita a tellement évolué que même lui ne s’y retrouve plus et ne se sent plus vraiment concerné par son invention. Il ne touche d’ailleurs pas d’argent et n’est pas vraiment connu au Japon, en dehors de la communauté technologique, rapporte ABC. Son nom a tout de même été cité dans une exposition du Museum of Modern Art, à New York. « J’ai été impliqué là-dedans, même si je ne suis ni un artiste, ni un designer. Le musée a vu de la valeur dans ce design qui a le pouvoir de changer le mode de vie des gens ».