Bernissart, une commune marquée par une découverte paléontologique exceptionnelle

La machine à feu, acquise par la commune de Bernissart et restaurée récemment, et le squelette visible au musée de l’Iguanodon de Bernissart. | © DR
Les puits des charbonnages ont été scellés, enfermant avec eux les secrets d’une bande d’iguanodons.
Disons-le franchement : de prime abord, Bernissart ne se démarque pas par la richesse de son patrimoine séculaire. L’histoire n’aurait probablement pas retenu le nom de cette entité picarde si, un beau jour du Crétacé inférieur, une bande d’iguanodons n’avait malencontreusement chu dans ce qui deviendra une fosse charbonnière au nord du futur village. Pourtant, réduire Bernissart à ses seuls iguanodons serait commettre une erreur d’appréciation. La fusion des communes en 1977 l’a propulsée chef-lieu du village de Pommerœul, autre site archéologique célèbre, pour des barques gallo-romaines cette fois. Voilà comment, grâce à la rationalisation administrative, la petite commune hennuyère a définitivement été associée à (au moins) deux véritables trésors patrimoniaux !
Une découverte qui place Bernissart sur la carte du monde
L’événement qui a placé Bernissart sur la carte du monde survient un siècle plus tôt, en avril 1878. Des mineurs découvrent des ossements à 322 m de profondeur dans la fosse n°3, dite Sainte-Barbe, des Charbonnages de Bernissart. Le gisement se caractérise par des argiles dégageant une odeur marécageuse et atteignant les 356 m de profondeur. Pendant trois ans, les fouilles livrent un matériel d’une ampleur sans précédent : 29 squelettes complets, des milliers de poissons, des fragments de crocodiles et de mégalosaure, des tortues, des végétaux fossilisés. Agé de 130 millions d’années, l’iguanodon est un petit dinosaure d’environ 5 m de haut. Il se déplaçait à quatre pattes mais courait sur deux.
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A Bernissart, un troupeau a-t-il chuté ? Des individus ont-ils été pris au piège et se sont-ils embourbés ? Les scientifiques l’ignorent. Les difficultés techniques et le coût d’excavations à cette profondeur ont eu raison de l’enthousiasme des fouilleurs. Malgré des tentatives de réexploitation des fosses, notamment par les Allemands pendant les deux guerres, les puits des charbonnages ont été fermés en 1964 et scellés par une dalle de béton, enfermant avec eux les secrets d’un site paléontologique exceptionnel.

MUSEE DE L’IGUANODON
Un établissement portuaire gallo-romain
L’exploitation minière a évidemment laissé sa marque dans la commune. Très proche de la frontière française et à l’orée des bois de Bon-Secours, la machine à feu de Bernissart est une bâtisse étonnante. La population l’appelle « la maison Canivez » ou « la maison du garde ». En 1782, la Compagnie des mines d’Anzin, une des premières sociétés industrielles françaises, décrite dans « Germinal » d’Emile Zola, fait construire ce bâtiment pour loger une machine de Newcomen. La pompe à feu a été inventée par Thomas Newcomen, dès 1705, pour empêcher les venues d’eau souterraines qui bloquaient l’accès aux gisements profonds. Améliorée par l’Ecossais James Watt dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, cette machine à vapeur devait servir à poursuivre à Bernissart l’exploitation de la veine de charbon dit « westphalien » entre le nord de la France, siège historique de la compagnie, et le Borinage. Les essais n’étant pas concluants aux yeux du conseil d’administration, la machine a été démontée et renvoyée en France. Le bâtiment l’abritant est alors devenu la demeure des gardes-chasses du duc de Croÿ-Solre, les Canivez. L’échec des ingénieurs à prouver la facilité d’extraction du charbon à cet endroit précis, même aidés d’une machine à feu, a paradoxalement permis la conservation de cet unique témoignage de l’activité minière en Europe continentale avant la révolution industrielle.

Lors du creusement du canal Hensies-Pommerœul en 1975, les archéologues qui suivent le chantier font une découverte sensationnelle. Les fouilles mettent au jour un établissement portuaire gallo-romain sur la Haine, traversé par la chaussée Via Romana Bavay-Velzeke. Deux bateaux, plus précisément un chaland de 13 m (à l’origine de près de 18 m) et une pirogue de 10 m de long, sont exhumés dans un excellent état de conservation. Datés des alentours des IIe et IIIe siècles après Jésus-Christ, ces rares témoins de la batellerie et du commerce fluvial antiques sont réalisés en planches de chêne cloutées puis calfatées. L’histoire récente mouvementée de ces objets reconnus comme « trésors » par la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est maintenant apaisée par leur exposition à l’Espace gallo-romain d’Ath.
Informations pratiques
Le musée de l’Iguanodon est ouvert tous les jours sauf le lundi et abrite un squelette entier d’Iguanodon bernissartensis. Si vous désirez voir un troupeau plus complet, il faudra vous rendre à Bruxelles, au Museum des sciences naturelles. Pour plus d’infos : www.bernissart.be/museeiguanodon/
Par Madeleine Brilot, en collaboration avec l’AWaP.