Par Elisabeth Debourse
Si Malala Yousafzai, militante pakistanaise des droits des femmes, est la plus connue d’entre toutes, des tas jeunes filles et femmes avancent à rebrousse-poil des stéréotypes de genre et raciaux pour briser le statu-quo ambiant. À l’occasion de la « journée internationale des filles », retour sur ces visages, valeurs et projets qui pourraient bien finir par changer le monde.
Zuriel Oduwole n’a pas attendu sa majorité pour parcourir le monde caméra au poing et demander aux dirigeants un meilleur accès à l’éducation des jeunes, notamment Africains. À neuf ans seulement, la petite réalisatrice dirige son premier documentaire sur la révolution ghanéenne du 4 juin. Présenté à l’occasion d’une compétition scolaire, il lui permet de mener ses premières interviews de chefs d’État et de célébrités, telles que les sœurs Williams. Depuis, elle a produit et réalisé trois autres films, tous centrés sur l’Afrique, et est à ce jour la plus jeune personne a avoir été interviewée par Forbes.
Assignée mâle à la naissance, Jazz Jennings est « diagnostiquée » à quatre ans d’un « trouble de l’identité de genre », faisant d’elle l’une des plus jeunes transgenres documentée de l’Histoire. Depuis, elle est l’une des adolescentes américaines les plus actives dans la défense des droits des LGBTQ+ et a sa propre chaine YouTube, suivie par plus de 335 000 internautes. Elle a également ouvert les portes de son quotidien à la chaine TLC, à travers une émission de télé-réalité dans laquelle elle s’efforce de sensibiliser les spectateurs américains aux questions de genre et d’identité sexuelle. Jazz est aussi la première personnalité à avoir une poupée transgenre à son image : une petite révolution en soi.
Marley n’a que 11 ans, mais collabore déjà avec le magazine américain Elle, au sein duquel elle dirige son propre « zine ». Cette jolie opportunité pour une si jeune fille, Marley Dias l’a dégotée à la force des livres et de ses convictions : alors qu’elle déplore le manque de diversité et de role models noir.e.s dans ses bouquins d’enfant, elle décide de lancer la campagne #1000BlackGirlBooks. « [J’ai dit à ma mère] que je n’en pouvais plus de lire des livres qui parlent de garçons blancs et de chiens », confiait cette petite Américaine au quotidien PhillyVoice en 2016. Marley était ainsi parvenue à rassembler 8 000 livres mettant en avant des héroïnes noires, « et pas seulement des personnages secondaires ou mineurs ».
« J’aurai 29 ans en 2030 – l’année d’échéance pour la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Les ODD me servent de repère pour mesurer mes propres progrès et ceux de mon pays, la Bosnie-Herzégovine », explique, bien sérieuse, Lamija Gutić. Et cette Bosniaque de 16 ans n’a pas l’intention d’attendre 2030 pour agir. Alors, Lamija code. De toutes ses forces, pour que dans son pays, chaque enfant ait accès à l’éducation et à des chances égales au départ de la vie.
« Dans mon pays, les femmes travaillant dans le secteur de la technologie et des sciences ne sont pas assez respectées, et nous ne remettons que rarement en cause les stéréotypes sur les femmes et les technologies de l’information et de la communication », dénonce cette jeune activiste, bien décidée à changer la donne. Pour ce faire, elle crée des outils technologiques qui lui permettront peut-être de faire passer son message au plus gand nombre. « Je n’aime pas tellement parler du futur, car c’est le présent qui compte le plus. En changeant le présent, nous changeons aussi l’avenir ».
Les rêves de musique de Sonita Alizadeh semble suivre et précéder directement ceux d’émancipation, dans un documentaire sorti en 2015 et sobrement intitulé Sonita. Dans celui-ci, on suit le parcours initatique de la jeune afghane de 18 ans, derrière la caméra de la réalisatrice iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami. Sonita a quitté son pays natal dix ans auparavant pour échapper à un mariage précoce et forcé. Si elle est bien décidée à devenir une artiste professionnelle, elle espère également qu’un jour, sa famille entendra sa voix qui crie son besoin d’indépendance et son rejet des traditions, mais aussi son amour pour les siens. Il y a deux ans, le clip de « Brides for sale » faisait près d’un million de vue.
La pomme n’est pas tombée loin de l’arbre. Matthew Lysiak emmenait régulièrement sa fille Hilde avec lui, lorsqu’il lui fallait mener ses recherches à la rédaction du New York Daily News. C’est ainsi que Hilde Lysiak a attrapé le virus de l’information. Trop jeune que pour travailler aux côtés de son père, elle lance sa propre gazette, le Orange Street News en 2014, alors qu’elle n’a que huit ans. Un an plus tard, alors qu’elle conduit sa bicyclette rose et argent à travers le quartier à la recherche d’informations, elle intercepte un appel de la police qui se rend sur les lieux d’un meurtre, à quelques rues de chez elle. Elle couvre alors l’évènement la première, âgée de neuf ans seulement.
Les médias découvrent ainsi cette jeune et fougueuse journaliste, qui ne tarde pas à être critiquée pour ses hobbys d’investigation. « Si vous voulez que j’arrête de faire du journalisme, alors quittez vos ordinateurs et faites quelque chose pour l’information », avait-elle alors lancée à la face de ses détracteurs. « Les enfants doivent savoir que s’ils travaillent dur, ils peuvent faire des choses incroyables », avait-elle également dit au Guardian.
« Quand elle parle, les enfants comme les adultes l’écoutent », car Payal Jangid est la cheffe du « parlement des enfants » de son village. Pour les autres gamins de la région, elle se bat pour un meilleur accès à l’éducation et pour leur donner une voix, malgré leur âge. « Je n’aime pas les mariages d’enfants. On rend visite aux enfants chez eux et on explique aux parents pourquoi l’école est si importante. Je veux être professeur. On dit aussi aux pères de ne pas frapper leurs enfants ou leur femme. S’ils sont aimants à la place, tout se passera beaucoup mieux », explique-t-elle au World’s Children’s Prize.
Son travail est reconnu par sa communauté et son message respecté. En 2015, à 15 ans, elle rencontrait, avec le Prix Nobel de la paix Kailash Satyarthi, la famille Obama, qui l’a remerciée pour son travail.
Découverte dans le thriller Colombiana de Luc Besson et ensuite dans le film Hunger Games, Amandla Stenberg est sous le feu des projecteurs depuis l’âge de quatre ans. Mais c’est son engagement précoce et salutaire pour une « fierté noire » qui l’a démarque des autres jeunes actrices d’Hollywood. Après avoir revendiqué le « Don’t touch my hair » de Solange avant l’heure avec un projet scolaire baptisé « Don’t Cash Crop On My Cornrows », Amandla a été interviewée par la sœur de Beyoncé elle-même pour Teen Vogue. Le magazine Dazed la considère comme « l’une des voix les plus incendiaires de sa génération » et le Time comme « l’une des 30 adolescents les plus influents de l’année 2015 ». Son prénom signifie « Puissance » en zoulou. Tout un – beau – programme.
À 18 ans aujourd’hui, l’Américaine Olivia Hallisey pourrait entamer une carrière de championne de natation. Mais elle pourrait tout aussi bien se lancer à temps plein dans la recherche. C’est qu’il y a deux ans, la jeune femme découvrait, seule, une nouvelle méthode de dépistage en pleine vague Ebola. Coûteuses et exigeantes, les méthodes préexistantes ne convainquaient pas Olivie Hallisey, qui a donc développé son propre procédé, à l’aide de bandelettes de papier. Sa découverte, adaptable à d’autres virus, a époustouflé le jury de la Google Science Fair, qui lui a offert son prix en 2015.
« Je me sens assez seule, parmi les gens de mon âge », avoue Régine Boussa, tout juste 20 ans. Dans son entourage, peu sont ceux qui se posent les mêmes questions que cette militante féministe, révoltée par les discriminations de genre qu’elle observe au quotidien. « Je me sentais mal de savoir tout ça et de ne rien faire », nous explique-t-elle. C’est ainsi que Régine a rejoint les rangs de l’association belge Vie Féminine : « J’ai ressentis le besoin de rejoindre un groupe féministe », nous explique cette étudiante en ingénierie aérospatiale, porte-parole de la jeune génération de féministes de facto.
Avec la cellule de Liège, Régine a ainsi notamment contribué à une campagne de sensibilisation à la présence de stéréotypes de genre chez les plus jeunes. Aujourd’hui expatriée aux Pays-Bas pour suivre ses études, elle profite des vacances académiques pour continuer à s’investir pour la cause, comme cet été, dans l’organisation d’une marche pour défendre les droits des femmes.