Par Martin Stameschkine
Alors que le Chili vient d’annoncer une limitation de l’accès à l’île de Pâques en raison d’une surfréquentation touristique qui la détruit de plus en plus, retour sur ces dix joyaux aux quatre coins de notre planète qui sont menacés par le tourisme de masse, toujours plus inconscient et destructeur.
Restaurés, parfois même reconstruits, les temples anciens d’Angkor, au Cambodge, sont visités chaque jour par des milliers de visiteurs. Plusieurs temples reposent sur des plateformes érodées par les siècles et de nombreux touristes quittent les chemins balisés pour explorer par eux mêmes. Le Cambodge ne publie malheureusement pas les chiffres exacts de fréquentation. De très nombreux hôtels sont maintenant installés aux portes du site, accentuant la pression touristique.
Le sanctuaire historique est une merveille à 2430 mètres d’altitude et la cité Inca du XVème siècle tient toute sa notoriété de sa construction improbable dans un site quasi inexpugnable du Pérou. Aujourd’hui, il n’est plus inaccessible et le site archéologique de Machu Picchu est l’endroit le plus visité en Amérique du Sud. Sur les six premiers mois de 2017, 1 877 659 de touristes ont foulé les sommets sacrés de la cité.
La croissance démographique de l’île chilienne -d’une superficie de 168 km2-, conjuguée à l’essor de l’activité touristique et immobilière -principalement des hôtels-, mettent en danger sa faune et sa flore. Chaque année, l’île de Pâques accueille 116.000 touristes. Sa population, qui a doublé en quelques décennies, est de 7.750 résidents permanents, dont 40% de natifs.
Avec 59 000 touristes par jour en moyenne, la Cité des Doges est bien au-dessus de ce qu’elle est capable d’endurer. Rajoutez à cela la pollution des eaux engendrée par les nombreux paquebots qui s’approchent bien trop près (pour permettre aux touristes de prendre des photos), Venise n’a jamais été autant menacée.
Les visiteurs qui piétinent cet écosystème fragile en menacent la survie. Les îles volcaniques, rendues célèbres par l’expédition de Darwin au XIXe siècle, ont un accès restreint à 200 000 visiteurs par an et la zone militaire équatorienne est très surveillée par la marine par souci de protection de l’environnement. Des catamarans circulent entre les îles, munis de balises de géolocalisation. La plongée y est très pratiquée, en espérant que chaque plongeur sera suffisamment responsable pour ne pas bouleverser la vie sous-marine. A priori les îliens veillent. Très sourcilleux, ils ont interdit l’achat du moindre terrain, d’un bateau ou d’une maison à toute personne qui n’est pas née dans l’île.
Surnommé « toit de l’Afrique », son nom même est un voyage. Ses montagnes qui ne demandent pas de vraies compétences d’alpinistes pour les gravir et admirer de haut les plaines que les monts dominent. Il existe d’ailleurs plusieurs voies pour les sommets, et chaque année, environ 25 000 personnes décident de relever ce défi. Contribuant à l’érosion et à la pollution de la montagne tanzanienne, classée elle aussi au Patrimoine mondial.
On pourrait croire que l’ascension de l’Everest est réservée à une élite. En fait, on surnomme parfois son camp de base « le dépotoir le plus haut du monde », tant les visiteurs y ont laissé de déchets et de pièces d’équipement depuis des années. De multiples opérations de nettoyage ont été organisées, et le gouvernement impose maintenant un dépôt aux aventuriers, remboursable uniquement s’ils rapportent tout leur équipement avec eux. Sans l’escalader, près de 700 000 visiteurs se bousculent chaque année au pied de la plus haute montagne du monde, ravinant ses sentiers.
Le gouvernement et le Ministère égyptien de la culture e font beaucoup pour protéger les sites et tombeaux autour de Louxor, notamment dans la Vallée des Rois. Plusieurs tombeaux ont été fermés, les peintures murales étant abimées par le gaz carbonique et l’humidité dégagés par la respiration des milliers de touristes qui y passaient. Des restrictions sont prises également sur d’autres tombes et temples, mais des passe-droits existent encore.
Fragile, balayé par les vents et piétiné par les touristes, ce long corridor enfoui entre deux falaises où s’érige le Trésor, a aussi fait les frais du tourisme de masse avant de subir – comble du paradoxe – la crise du tourisme, qui a affecté la Jordanie en raison du climat géopolitique moins sûr qu’auparavant.
Selon le World Wildlife Fund (WWF), le tourisme de masse est l’une des causes majeures de la dégradation des côtes et de l’écosystème marin de la Méditerranée. En développant leurs infrastructures pour accueillir ces visiteurs, les pays côtiers transforment des régions entières, ce qui menace des zones naturelles. La mer Méditerranée attire annuellement 220 millions de visiteurs, l’Organisation Mondiale du Tourisme prévoit que d’ici 20 ans, ils seront 350 millions.