Par Eloise Roulette (st)
Pendant quatre semaines, la première sélection d’apprentis codeurs de 19 a été jetée toute habillée dans le grand bain de la programmation : une étape intense, au bout de laquelle seuls les meilleurs obtiendront leur place dans cette école hors normes.
Le jour se lève sur le domaine de Latour de Freins. À l’ombre de cet écrin de verdure, dans le château-école, les mines fatiguées des internes de 19 s’activent : il faut vider la salle de gym qui leur sert de dortoir avant 8h ; avant que les jeunes élèves de la Bogaerts International School ne pointent le bout de leur nez. Alors, dans le débarras-vestiaire où s’amoncèlent déjà valises et garde-mangers, on empile les matelas, coussins et sacs de couchage. « On est la promotion bêta, on est les premiers, du coup, logistiquement tout n’est pas encore au point. Il y a beaucoup de contraintes, mais bon, dormir sur un matelas de camping, au final, on s’y fait… Et puis ce n’est que pour un mois », confie l’un des élèves de la sélection.
Il est 8h19, sur leurs postes de travail, les futurs développeurs reçoivent leur mission du jour. Ils ont jusqu’au lendemain 23h19 pour la remplir. 39 heures au cours desquelles ils devront résoudre une série d’exercices pour amasser un maximum de points.
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« On reçoit des challenges toutes les 24 heures, ça se chevauche. Donc en plus de coder, on nous demande de manager notre temps, de partager nos connaissances, de corriger les autres aussi. C’est beaucoup de choses. Mais c’est le but. Si on est pris pour commencer à la rentrée, on aura 70 à 90 heures de travail par semaine. Et il faut qu’on soit capable de le faire. C’est aussi un challenge pour voir qui ira jusqu’au bout », explique Alexis, les yeux brillants d’excitation et de sommeil.
Le temps de la « piscine », ce mois de sélection, 19 est ouverte 24h/24, 7 jours sur 7 : « Évidemment, des lieux sont aménagés pour que les élèves puissent se reposer », précise Stéphan Salberter, le directeur de l’école. Alors, affalés dans un sofa à l’abri d’un box en bois ou dans la salle de repos, recroquevillés sur un bout de moquette, quand la fatigue se fait ressentir, les élèves improvisent un lit douillet de la moindre étoffe moelleuse qui croise leur chemin.
Jean, à droite sur la photo, fait partie de ceux qui ont la chance de pouvoir rentrer à la maison tous les jours : « J’arrive vers 8h, je reprends le train vers 23h-23h30, mais si je suis trop fatigué pendant la journée, je rentre parfois plus tôt chez moi pour passer une bonne nuit parce qu’ici les conditions de sommeil ne sont pas optimales ».
Pour l’instant, aucune cafétéria, aucun réfectoire, juste des machines à en-cas et une cuisine minuscule : « Un petit food truck, ça serait pas mal », plaisante Alexis : « Mais on le mettra peut-être en place vu qu’on est les pionniers de l’école ». Dans le « bocal », le bureau de la direction, il se murmure qu’un distributeur de plats chauds arrivera bientôt.
Autour d’une table coincée entre une machine à café et un sofa, les codeurs de demain sortent la tête de leurs balises le temps de pauses chronométrées. Ça papote, ça rigole, l’ambiance est détendue.
Le week-end dernier, les 93 élèves encore engagés dans l’aventure ont rejoint les salles informatiques des combles du château pour un ultime examen de huit heures.
Au bout de ces quatre longues semaines d’écrémage à se remuer dans tous les sens pour garder la tête hors de l’eau et faire partie de la toute première promotion de 19, tout le monde ne pourra pas participer à la rentrée prochaine : « On veut les meilleurs, mais sans aucune discrimination financière, sans discrimination sociale et sans discrimination par rapport au diplôme », conclut le directeur de l’établissement.