Par Rédaction Paris Match Belgique
Victimes de violences sexuelles, orphelines du sida, mères célibataires, femmes abandonnées… Toutes les candidates aux unités de lutte contre le braconnage au Zimbabwe sont des survivantes. Des femmes qui ne manquent pas de courage pour affronter les braconniers armés jusqu’aux dents.
En tenue kaki, certaines pieds nus, une dizaine de femmes courent en portant à bout de bras un lourd tronc d’arbre, lors d’un stage de sélection organisé dans la région de Phundundu, dans le nord du pays. Au fin fond du bush zimbabwéen, elles suent sang et eau pour intégrer une unité 100 % féminine de lutte contre le braconnage. À la fin de cette sélection digne d’un stage commando, les plus endurantes deviendront des rangers « akashinga ». Les « courageuses » en langue shona.
Courageuses, elles le sont à plus d’un titre. D’abord parce qu’elles devront affronter des braconniers armés jusqu’aux dents. Ensuite parce qu’elles se trouvent face à un nouveau destin pour s’arracher à un passé difficile.
On voulait des battantes.
La compétition de quelques jours est très exigeante sur le plan physique et mental. Au programme : courses, pompes, longues marches sous la chaleur… « On essaie de créer une opportunité pour les femmes les plus marginalisées dans une des régions les plus dures et dans un des pays les plus pauvres du continent », explique à l’AFP Damien Mander, le concepteur de ce programme, un ancien soldat de l’armée australienne qui, après trois ans passés sur le front irakien, dirige la Fondation internationale contre le braconnage (IAPF). « On ne voulait pas des gens avec des CV formidables, on voulait des battantes. »
« La plupart des gens pensent qu’être ranger est un travail d’hommes, parce qu’ils pensent que les hommes sont plus forts que les femmes », souligne Juliana Murumbi, issue de la première promotion formée en 2017 : « Mais je pense qu’on est pareils. Au final, je peux faire ce qu’ils font. »
« Faire appliquer la loi n’est pas une question de biceps et de coups de feu, abonde Damien Mander. Il s’agit plus de créer des relations et des liens à long terme avec les communautés. » Et, constate-t-il, les femmes ont cette « capacité à désamorcer naturellement les tensions ».
Le résultat est concluant dans cette région du Zimbabwe où 8 000 éléphants ont été tués depuis le début du siècle. Depuis le déploiement des premières rangers féminines de l’IAPF en 2017, les cas de braconnage ont diminué de 80%. Au total, 115 personnes ont été arrêtées… et aucun coup de feu n’a été tiré.
Le travail est extrêmement dangereux. « La protection de l’environnement devient de plus en plus militarisée », face à des braconniers armés, explique le responsable. Jusqu’à présent, aucune ranger n’a été tuée mais ce n’est qu’une question de temps, prévient leur chef. « C’est la nature de cette activité, c’est un boulot difficile. »
Sur le plan personnel, ce programme « transforme totalement la vie des femmes », assure l’une des rangers, Nyaradzo Auxilia, 27 ans. Grâce à leurs salaires, elles acquièrent une indépendance financière. « Certaines ont construit leur maison », se réjouit-elle.
Des femmes en tenue de combat et armées patrouillent désormais dans cinq réserves d’une superficie totale de 4000 km². À terme, Damien Mander compte déployer « une petite armée de milliers de femmes » dans 20 réserves.