Par Marise Ghyselings
Venus d’Amérique Centrale, des milliers de migrants traversent le Mexique dans l’espoir d’atteindre les États-Unis. Une marée humaine composée de parents de jeunes enfants qui tentent d’échapper à la violence, à la pauverté et au manque d’opportunités dans leur pays d’origine.
Ils fuient la pauvreté et la violence. Depuis le 13 octobre, des milliers de Honduriens ont quitté leur pays à pied dans l’objectif de se rendre aux États-Unis. D’après les Nations Unies, citées par la BBC, la taille du groupe, actuellement au Mexique, est passée de 1 000 à plus de 7 000 personnes. Sur les routes, les ponts ou entassée sur des embarcations de fortune, cette marée humaine poursuit son exode sous des températures qui dépassent les 30°C. Ce qui inquiète les parents de jeunes enfants et de bébés qui pourraient souffrir de déshydratation.
« Nous allons de l’avant », a déclaré à l’AFP Juan Carlos Flores, un migrant hondurien de 47 ans. Le Mexique « ne nous a pas reçus comme nous l’espérions, ils peuvent nous renvoyer au Honduras, nous savons aussi qu’il y a ici des narcotrafiquants qui enlèvent et tuent les migrants, mais nous avons encore plus peur dans notre pays ». Jeudi 18 octobre, les autorités mexicaines étaient parvenues à bloquer cette « caravane » mais de nombreux migrants sont entrés illégalement dans le pays par le fleuve Suchiate séparant le Mexique du Guatemala. De quoi agacer le président américain Donald Trump.
« J’ai averti l’armée et les gardes-frontières et leur ai dit que c’est une urgence nationale », a lancé lundi le président américain sur Twitter, faisant part de son énervement et de son inquiétude. La veille, il avait assuré que tout était mis en oeuvre pour « arrêter l’assaut ». Bien qu’il n’y ait aucune preuve, Donald Trump est également persuadé de la présence de criminels et de personnes venues du Moyen-Orient parmi la « caravane » de migrants sud-américains. Accusé d’attiser les peurs à des fins électorales à moins de deux semaines des élections de mi-mandat, le président a annoncé lundi une réduction immédiate des aides financières apportées au Triangle du nord, formé par le Salvador, le Guatemala et le Honduras. Une région devenue la zone de transit de la drogue produite notamment en Colombie et acheminée jusqu’en Amérique du Nord, explique Europe 1.
Les autorités mexicaines les avaient prévenus : celles et ceux qui n’ont pas de passeports ou de carte d’identité en ordre ne pourront pas passer la frontière. Un à la fois, les officiers ont vérifié leurs documents. Résultat : à la fin de la journée, seules 300 personnes avaient été autorisées à entrer, et quelque 3 000 autres attendaient encore sur le pont.
En l’espace de 36 heures, seulement 600 migrants avaient passé la frontière via le point de contrôle officiel. Fatigués d’attendre, après près d’une semaine de marche intensive, et craignant être refoulés, certains migrants sont descendus du pont dans la rivière à l’aide de cordes tandis que d’autres ont sauté.
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Parmi ces migrants se trouvent de nombreuses femmes enceintes. « Parfois, ça me fait très mal, parfois j’ai l’impression que je vais accoucher, mais je crois que j’avais seulement besoin de me reposer », confiait une migrante de 19 ans, Teresa, enceinte de près de huit mois, citée par Le Parisien.
Mais pourquoi fuient-ils massivement le Honduras ? « Ils ne courent pas après le rêve américain, ils fuient le cauchemar hondurien », résume assez bien Jari Dixon, politicien d’opposition local. Dans ce pays de moins de 10 millions d’habitants, 64,3% de la population est pauvre ou extrêmement pauvre, selon des statistiques de 2017. D’après les données de FocusEconomics, le Honduras figure à la 27e place du classement des pays les plus pauvres au monde. Et la situation ne semble pas s’arranger. En 2022, il devrait même atteindre la 22e position.
Les Honduriens veulent également fuir la violence. Selon les Nations Unies, le taux d’homicide, hors conflit militarisé en 2015, était de 63,8 pour 100 000 habitants. À titre de comparaison, il est de 1,95 en Belgique. Ce qui place le Honduras à la deuxième marche du triste podium des pays les plus violents au monde, devant le Venezuela et derrière le Salvador.
« La société hondurienne est minée par l’ultraviolences des gangs, notamment les organisations mafieuses du MS-13 [le gang Maria Salvatruch] et du Barrio 18″, explique Christophe Ventura, chercheur à l’IRIS, au Monde. « À cela s’ajoute la corruption endémique au Honduras, notamment dans la police et l’armée, responsables chaque année de nombreuses exactions, et un pouvoir très contesté », poursuit Europe 1.
« Le flux migratoire au départ du Triangle nord vers les Etats-Unis en passant par le Mexique n’est pas nouveau », écrivait déjà Amnesty International en 2016. « Cependant, depuis plusieurs années, on assiste à une nouvelle réalité : la forte hausse de la violence pousse des personnes toujours plus nombreuses à quitter leur foyer et à fuir pour sauver leur vie ». Durant de nombreuses années, ces migrants ont transité dans l’indifférence. Mais c’était sans compter sur Donald Trump et sa politique anti-migratoire. Au printemps dernier, le président américain a braqué les projecteurs sur la « caravane » de migrants dont il ne voulait plus.
Face à cette migration plus importante (et plus médiatisée) et la réducation des aides financières annoncée par Donald Trump, le président du Honduras Juan Orlando Hernandez a tenté de ramener les migrants au pays en leur promettant des emplois. Le chef de l’Etat a détaillé un plan de 27 millions de dollars pour leur « retour sûr » qui inclut des subsides, des logements, des projets agricoles, du travail dans des chantiers publics, des crédits pour microentreprises et des bourses d’études.
« Nous faisons face à une situation historique qui exige de nous d’agir avec responsabilité et un grand esprit patriotique, il s’agit de vies », a affirmé le dirigeant lors d’une conférence de presse, entouré de ministres et de maires, alors que son gouvernement accuse l’opposition de soutenir cette « caravane » pour rendre le pays « ingouvernable ».