Par Rédaction Paris Match Belgique
Dans une école à Soweto, en Afrique du Sud, les filles de 11 et 12 ans reçoivent des cours antiviol pour tenter d’enrayer le fléau qui sévit dans le pays. Les garçons suivent, eux, un programme qui cherche à développer leur empathie envers les filles, afin de prévenir tout comportement abusif.
En Afrique du Sud, les statistiques officielles font froid dans le dos. Entre avril 2017 et mars 2018, 40 035 viols ont été recensés, soit 110 par jour, rapportent nos confrères de la DH. « La violence s’est normalisée dans le pays. Il y a tellement de viols que les gens y sont devenus insensibles », estime Debi Steven, la présidente sud-africaine de l’association Action Breaks Silence (ABS), qui lutte contre les violences sexuelles.
Pour tenter d’enrayer ce fléau, les filles et garçons de 11 et 12 ans reçoivent des cours antiviol dispensés gratuitement par ABS, dans le cadre de leur cursus scolaire.
« Imaginez que vous aller frapper les parties génitales d’un violeur ». Bouclier de cuir en main, l’instructrice donne ses consignes. Ses élèves du jour s’exécutent sans broncher et rouent la cible de violents coups de genou. Dans cette salle de classe de l’école Thabisang, dans le township de Soweto, les chaises et tables sont poussées sur les côtés pour laisser place à un cours d’autodéfense.
« Ne commettez jamais l’erreur de vous retrouver seules dans la même pièce que quelqu’un qui vous rend mal à l’aise. Faites confiance à votre instinct », lance une des formatrices de l’ONG, Dimakatso Monokoli, face aux élèves. Et en cas d’agression, « criez autant que vous pouvez ». « On ne va pas vous apprendre à donner des coups de poing mais à vous battre de façon intelligente, sans force », renchérit un de ses collègues masculins.
Dans leur uniforme, les écolières passent à l’action et se déchaînent. Le programme de formation de l’ONG « ne se focalise pas sur l’aspect physique. Il vise à l’émancipation » des femmes, explique Debi Steven, elle-même victime d’un double viol avant ses 12 ans. « Nous utilisons l’autodéfense comme outil pour donner confiance aux filles, pour qu’elles puissent mettre fin à une relation parce qu’elles savent qu’elles valent mieux que ça ».
Mais la lutte contre le viol ne passe pas seulement par l’éducation des filles. Les garçons ont, eux aussi, droit à un programme « d’empathie » qui remet en question les stéréotypes sexuels et renforce les sentiments de respect envers les femmes et les filles, afin de prévenir tout comportement abusif. Avec ces cours, ABS préfère voir en eux des « héros » potentiels plutôt que de futurs violeurs.
Ce jour-là, des pré-adolescents de l’école d’Ikaneng à Soweto sont appelés à participer à un jeu interactif. Sur l’estrade, plusieurs piochent une carte où est inscrite une émotion : colère, tristesse, amour, inquiétude… Leur objectif est de la faire deviner à leurs camarades.
« Dans la culture africaine, on inculque aux garçons qu’ils doivent cacher leurs émotions. Les montrer est une faiblesse », explique Isaac Mkhize, un instructeur lui aussi victime de viols. « Si vous ne parlez pas, vous refoulez et vous allez exploser et déraper », prévient un psychologue, Thabiso Mailula, qui a collaboré avec ABS.
Ces sessions de formation servent aussi de catharsis aux victimes. Régulièrement, des enfants révèlent à leurs instructeurs les violences sexuelles qu’ils ont subies.
Conquis par l’approche d’ABS, qui a sensibilisé plus de 13 000 enfants dans le pays, le ministère sud-africain de la Santé vient de faire appel à l’ONG pour former 160 instructeurs antiviol.
Violée dans son enfance et longtemps contrainte au silence par sa famille, une mère se réjouit de ces initiatives. Pour elle, la situation est devenue insoutenable. « On ne sait plus à qui faire confiance, qui aimer, à qui s’attacher », déplore-t-elle, « parfois même, on n’autorise pas des gens à aimer nos enfants comme ils le voudraient car on pense toujours au pire ».
Dans de nombreux cas, les violences sexuelles et conjugales sont commises par des proches. Chaque jour, deux femmes meurent en Afrique du Sud sous les coups de leur partenaire ou de leur « ex », selon la président de l’association Debi Steven.