Par Rédaction Paris Match Belgique
Malgré une malformation congénitale et des conditions de vie précaires, Alfonso Mendoza respire la bonne humeur : il rappe, surfe, skate et vient d’être papa. Mais les premières années de vie de ce jeune migrant vénézuélien n’ont pas été faciles.
« Dieu ne m’a pas donné de jambes, mais les a remplacées par du talent », lance Alfonso Mendoza. Abandonné par ses parents à la naissance, ce Vénézuélien a été élevé par sa grand-mère qui décède alors qu’il n’a que neuf ans. À l’école, la vie en fauteuil roulant n’est pas rose non plus. Les autres enfants « me mettaient dans les poubelles ou m’enfermaient dans les toilettes ». À 13 ans, en dépression, il pense à mettre fin à ses jours. Jusqu’à ce que la musique « lui sauve la vie » et qu’un ami lui apprennent à circuler en planche à roulettes.
Aujourd’hui, Alca, contraction des deux premières lettres de son prénom et du mot « camino », chemin en espagnol, a fui son pays en déroute pour rejoindre la Colombie où il respire la bonne humeur et déborde d’énergie.
Malgré une agénésie, une malformation congénitale, l’homme de 25 ans est un amoureux de la glisse, que ce soit dans les skateparks ou sur les vagues des plages de Barranquila, où il habite. « Je vois la vague comme une barrière qui se brise grâce à la planche », explique le sportif qui s’est mis au surf il y a peu.
À l’arrêt de bus, celui qui a troqué le fauteuil roulant pour le skate grimpe à la force des bras et s’installe à l’avant. Le buste sur une barre horizontale, il fait face aux passagers. De loin, on dirait qu’il est en lévitation. Micro collé à la bouche et petit haut-parleur en bandoulière, il se met à rapper pour gagner sa vie : « Si je rentre au Venezuela / Et je dois revenir / Je ne le penserai pas deux fois / Pour revenir dans cette ville ».
Ses paroles sont un hommage à Barranquilla, port important de la côte caraïbe, où ce Vénézuélien est arrivé il y a neuf mois. Il a décidé de quitter son pays en crise quand il a appris qu’il allait être papa. Selon l’ONU, près de deux millions de personnes sont parties du Venezuela depuis 2015.
« Je n’ai pas honte de chanter dans un bus, j’aurais beaucoup plus honte de rentrer chez moi et que mon épouse me dise que ma fille n’a pas de couches, ni de vêtements », confie le jeune homme.
Les bons jours, Alca peut gagner jusqu’à 30 000 pesos colombiens (environ 8,60 euros), en chantant à bord des bus. Au Venezuela, où l’inflation galopante devrait atteindre 1 000 000% à la fin 2018, le salaire mensuel équivaut à environ 26 euros.
Quand il ne roule pas sur sa planche ou dans les bus, le jeune homme glisse sur les rampes d’un skatepark. Descentes, virages et figures de type flip, qu’il réalise en faisant tourner le skate sur son axe avant de retomber les deux mains sur la planche, ne lui font pas peur.
La Colombie, qui partage 2 200 kilomètres de frontière avec le Venezuela, a accueilli ces dernières années plus d’un million de Vénézuéliens, dont 820 000 ont régularisé leur situation.
« Je suis venu ici illégalement, par un raccourci (frontalier), avec ma femme. Ça a été difficile à cause de la guérilla colombienne et de la garde nationale vénézuélienne« , raconte celui qui donne également des conférences de motivation auprès des jeunes Colombiens.
« Malgré son handicap, il est beaucoup plus complet que bien des pères. Il ne nous manque rien, il est toujours attentif et fait face », confie Mileidy Peña, son épouse.